L’Enfance attribuée

Sam Harger et Eleanor Starke ont tout pour être heureux. Leur situation leur garantit de vivre éternellement à l’abri du besoin et de la plupart des maladies génétiques ou épidémiques connues. Ils sont beaux, pleinement satisfaits du point de vue professionnel et affectif, en pleine santé et très amoureux l’un de l’autre, en dépit de l’ambition politique dévorante d’Eleanor. La possibilité de devenir parents, un privilège accordé chichement par la ministère de la Santé et des Affaires Sociales vient couronner leur idylle. Mais, dans ce futur parfait, l’erreur est impossible et l’exclusion impensable comme va le découvrir Sam.

Pour paraphraser le titre d’une nouvelle de Jean-Jacques Nguyen, L’Enfance attribuée pourrait être renommée l’amour au temps de la prophylaxie totale. Le texte de David Marusek se distingue en effet par un world building fouillé, mettant en scène une société future où la mort, la maladie, la vieillesse et les incertitudes de l’existence ressortent d’un passé révolu. Bien entendu, les apparences idéales se révèlent au final oppressives faisant passer Le Meilleur des monde d’Aldous Huxley pour un aimable conte pour enfants.

Si l’humanité jouit en effet du confort technologique et d’une longévité étendue, elle vit sous le couperet, celui des sangsues de la Milice, des dispositifs de contrôle automatisés qui scannent les échantillons biologiques prélevés de manière aléatoire sur la population afin de juger de leur innocuité sur la collectivité. Bref, on vit plus longtemps, mais on peut déchoir très vite et rejoindre la catégorie des altérés, certes tolérés mais exclus des bienfaits du génie génétique.

Confinée dans des cités implantées sous des canopées de nano-agents qui les préservent des germes extérieurs, une ribambelle de pestes moléculaires mortelles, l’hyperclasse consomme son visola quotidien, connectée à son fil d’information, sous le regard attentif de domestiques sélectionnés génétiquement pour leurs aptitudes (le meilleur des monde, on vous dit). Via un assistant numérique personnel, elle prend rendez-vous à la clinique de rejuvénation pour ajuster son âge selon son humeur. Elle assiste en hologramme ou en corps-réel aux réunions de travail ou aux fêtes entre amis, partageant un peu de convivialité par procuration. Elle accomplit finalement les routines d’une vie bien réglée, tout en sachant que la Milice veille à sa sécurité. Et, peu importe si cette dernière dispose du droit de vie ou de mort sur le quidam. L’enfer est forcément réservé aux autres.

Histoire d’amour classique entre deux membres de la classe privilégiée, dont l’un impose son agenda personnel à l’autre, L’Enfance attribuée vaut surtout pour sa description du futur. De la relation de Sam et Eleanore, on ne retient surtout que l’amertume et la frustration. L’amour y ressemble davantage à un investissement contractuel ou à un plan de carrière négocié par assistants numériques interposés. Si le futur esquissé par David Marusek brille par sa richesse spéculative, il n’est finalement que la continuation de notre présent. Froid, matérialiste, fonctionnel, toujours plus exigeant dans sa volonté de contrôle et de maîtrise des aléas. Mais aussi sans pitié.

Face au foisonnement thématique de L’Enfance attribuée, on ne peut hélas que déplorer la faiblesse de l’intrigue et des personnages qui sont expédiés comme une formalité superflue. L’imagination de David Marusek semble se tarir au contact de l’humain, l’auteur préférant surtout traiter de l’interaction entre l’humanité et la technologie. Un défaut que l’on retrouve d’ailleurs dans Un Paradis d’enfer, seul roman traduit dans nos contrées et premier volet du diptyque Counting Heads/Mind Over Ship, dont L’Enfance attribuée constitue en quelque sorte la matrice originelle.

En dépit de ce léger bémol, L’Enfance attribuée est une réédition bienvenue, la première de la collection « Une Heure-Lumière », dont l’intérêt réside tout entier dans un world building touffu et prometteur.

Autre avis ici.

L’Enfance attribuée (We Were Out of Our Minds with Joy, 1995) de David Marusek – Le Bélial’, collection « Une Heure-Lumière », août 2019 (novella traduite de l’anglais [États-Unis] par Patrick Mercadal)

Le Fleuve des Brumes

Les sexagénaires meurent rarement de manière violente. Les frères Tonna semblent pourtant contredire l’assertion. Le corps disloqué de Decimo Tonna a été en effet retrouvé sur le ciment humide de la cour d’un hôpital, après être tombé de la fenêtre du troisième étage. Suicide probable ? Le commissaire Soneri en doute, d’autant plus que la même nuit, Anteo, le frère du défunt, a disparu après le naufrage de sa péniche, emportée par la crue du Pô qui mobilise toutes les autorités, elles aussi débordées par les événements. Il n’en faut pas davantage au policier pour douter d’une coïncidence un tantinet trop hasardeuse et pour tenter de sonder le passé turpide de cette région d’Italie.

« La mort rôde autour de nous et quelquefois elle prend l’apparence de l’innocence. »

Avec Le Fleuve des Brumes, les éditions Agullo nous font découvrir le commissaire Soneri, un enquêteur tenace, volontiers épicurien, ne s’attachant guère aux apparences mais plutôt à son intuition et à l’exploration méthodique des zones d’ombre d’une Italie encore hantée par son passé. Si le présent roman est la quatrième enquête du personnage, on ne met pas longtemps à se familiariser avec l’environnement proche, amical et professionnel de l’enquêteur. L’inventaire est d’ailleurs vite fait, le bonhomme n’entretenant qu’une relation charnelle, assez ardente d’ailleurs, avec une avocate volcanique qui, entre deux galipettes, nourrit sa libido et son intuition.

Entre un collègue plus à l’aise dans son bureau avec un ordinateur, un légiste moustachu et un juge soucieux de sa retraite, l’entourage de Soneri ne brille pas par son exubérance. Peu lui importe, en bon solitaire, le commissaire est plutôt du genre taiseux et pensif, appréciant la bonne chère et le contact humain direct sur le terrain. Dédaignant l’adrénaline, il ne rechigne pas devant la complexité d’une enquête afin de faire émerger la vérité. Un peu à la manière d’un Pepe Carvalho ou d’un Montalbano, voire d’un Maigret, Soneri agit comme un révélateur, l’enquête servant de prétexte au dévoilement des maux de la société.

Le Pô et les plaines humides ont façonné le paysage et ses habitants. Ses crues assassines, ses brumes étouffantes et son verglas traître contribuent à l’atmosphère délétère de la région. Elle pèse sur l’humeur de Soneri et sur sa capacité à élucider le mystère qui nimbe le décès des frères Tonna. Les circonvolutions du fleuve impriment un faux rythme à son enquête, le poussant à prendre son temps, à ressasser les rares indices glanés au fil des discussions au coin d’une table. Avec les frères Tonna, il exhume des secrets remontant à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au moment des ultimes combats entre les miliciens de la République de Salò et les partisans communistes. À l’heure où les émules des premiers reviennent sur le devant de la scène politique et où les seconds n’existent plus que dans la mémoire de quelques vieillards, Soneri brasse surtout les rancœurs et l’amertume.

Roman policier à l’atmosphère prégnante, Le Fleuve des Brumes use de recettes narratives classiques mais finalement efficaces. Loin du rythme frénétique des thrillers, Valerio Varesi donne envie d’en connaître davantage sur le commissaire Soneri et sur une Italie bien éloignée des clichés. À suivre donc avec La Pension de la via Saffi.

Le Fleuve des Brumes (Il fiume delle nebbie, 2003) de Valerio Varesi – Réédition Points, mars 2017 (roman traduit de l’italien par Sarah Amrani)

La Mort aura tes yeux

David commence à avoir la cote dans le milieu bohème de Boston. Une réputation d’artiste prometteur, une petite amie chaleureuse et des projets plein la tête. De quoi envisager l’avenir sereinement et pourtant c’est le passé qui le taraude. Une succession de rêves, puis un coup de téléphone réveillent les vieux démons assoupis sous le tapis. Délaissant sa nouvelle vie, au moins pour un temps, il décide de rouvrir la parenthèse, histoire de voir s’il a changé ou si c’est juste le monde qui a changé. Histoire aussi de solder définitivement les comptes.

« Nous créons tous, à partir des faits de nos vies, des fictions, des mythes mineurs, des mensonges personnels qui nous permettent de continuer à vivre, qui nous aident à rester humains, nous rassurent en nous faisant croire que nous comprenons notre minuscule fragment du monde. »

L’argument de départ semble classique. Toutefois les apparences sont trompeuses. En effet, il apparaît rapidement qu’Avec La mort aura tes yeux, James Sallis jongle avec les clichés du roman d’espionnage. Le gars rangé des voitures, rattrapé par son passé, le culte du secret et de la manipulation inhérent aux officines gouvernementales, la course-poursuite, le sentiment permanent d’être pourchassé, on trouve tout cela dans son roman. Mais voilà, le thriller haletant, jalonné de fausses pistes et chausses-trappes, teinté d’une louche de géopolitique, débouche finalement sur tout autre chose. James Sallis fait le choix d’écrire une histoire intimiste au rythme nonchalant. Il sublime le propos du roman d’espionnage pour toucher à quelque chose d’essentiel : l’humain. Ce plus petit dénominateur commun à bon nombre d’intrigues alambiquées et stéréotypées, mais souvent réduit hélas à la portion congrue.

Dans La mort aura tes yeux, l’humain c’est David. Une identité aussi factice que toutes celles qui l’ont précédées. Pourtant, une personnalité authentique se cache derrière le masque. Au fil de son errance, elle se dévoile, révélant son passé par bribes. Les rencontres fortuites procurent à David l’occasion de se laisser aller à l’introspection, de conforter sa philosophie de vie, de réfléchir sur le sens de l’existence et de se défaire de son passé.

« Chaque jour, nous nous reconstruisons à partir de ce que nous pouvons sauvegarder de notre passé. »

Au fil des monologues intérieurs, des réminiscences ou des dialogues avec des inconnus rencontrés en cours de route, David se mure dans ses pensées. Les longues pauses, au volant de sa voiture, dans l’intimité banale d’une chambre de motel ou accoudé au comptoir d’un bar, apparaissent comme des moments de transition, un entre-deux propice à la tension et à l’incertitude. La quatrième de couverture évoque Graham Greene et John Le Carré. Sans doute en raison de la solitude de David, un sentiment lancinant tout au long de La Mort aura tes yeux. Solitude de l’agent, obéissant petit soldat d’un jeu où il éprouve les émotions contrastées du chasseur et de la proie. Une course-poursuite dont il ne perçoit les enjeux, du moins ceux ouvertement affichés, que de manière fort lointaine. Solitude des petites gens, habitants d’une Amérique laborieuse, rencontrés dans un motel, un restaurant ou croisé au détour d’une autoroute. Une Amérique longtemps étrangère au soldat loyal qui la défendait dans l’ombre. Une Amérique pour laquelle James Sallis exprime une forte empathie.

« La vie, c’est ce qui vous arrive pendant que vous êtes en train d’attendre qu’il vous arrive d’autres choses. La vie, c’est ce qui jaillit là où vous n’auriez jamais songé à regarder. Entre. »

Un dernier mot à propos du titre. Il est extrait d’un texte écrit par le poète italien Cesare Pavese avant qu’il ne se suicide. Un titre en forme de climax pour un roman dont on se détache difficilement.

« La mort viendra et elle aura tes yeux – cette mort qui est notre compagne du matin jusqu’au soir, sans sommeil, sourde, comme un vieux remords ou un vice absurde. Tes yeux seront une vaine parole, un cri réprimé, un silence. Ainsi les vois-tu le matin quand sur toi seule tu te penches au miroir. O chère espérance, ce jour-là nous saurons nous aussi que tu es la vie et que tu es le néant. La mort a pour tous un regard. La mort viendra et elle aura tes yeux. Ce sera comme cesser un vice, comme voir resurgir au miroir un visage défunt, comme écouter des lèvres closes. Nous descendrons dans le gouffre muets. »

La Mort aura tes yeux de James Sallis – Gallimard/La Noire (roman traduit de l’anglais [Etats-Unis] par Elisabeth Guinsbourg)

Un Océan de rouille

Avec Un Océan de rouille, C. Robert Cargill imagine le monde après la révolte des machines, une guerre totale perdue par l’humanité, dont les ultimes rescapés ont été traqués comme des rats jusque dans les trous où ils se terraient. Taillé pour le cinéma, le roman de l’auteur américain met en scène un futur impitoyable que n’aurait pas désavoué Skynet. Un avenir sans fin heureuse pour les hommes, où nulle Sarah Connor ne vient redonner l’espoir. Mais, peu importe, les adeptes de la mémétique ne trouveront rien à redire sur ce successeur de pierre, vecteur idéal d’une nouvelle évolution. Après avoir déjoué sa programmation et éliminé son créateur, la machine est-elle pour autant apte à remplacer l’humanité, s’exonérant de ses pires travers et de sa propension à l’auto-destruction ? Rien n’est moins sûr, surtout face aux Intelligence-Mondes qui semblent vouloir mettre un terme définitif à l’Histoire.

Un Océan de rouille de manque pas de qualités, surtout si on ne cherche pas autre chose qu’un divertissement rugueux. Le roman de C. Robert Cargill n’est pas en effet un manifeste transhumaniste, prônant le dépassement de l’homme par l’intelligence artificielle et ses processeurs (et frères). Il n’est pas davantage une réflexion philosophique autour de l’émergence d’une conscience algorithmique, faisant appel aux sciences cognitives ou à la neurobiologie computationnelle pour étayer son propos. À vrai dire, les robots de l’auteur ne sont pas complètement mécaniques. Bien au contraire, ils empruntent leurs motivations, leurs schémas psychologiques et leurs éventuels états d’âme, au genre humain, se référant à sa représentation romanesque dans les mauvais genres. Bref, les robots de C. Robert Cargill font appel aux archétypes les plus triviaux, ceux que l’on croise au détour des pages d’un roman noir. En conséquence, Un Océan de rouille ne fait appel à la science fiction que pour étoffer un décor post-apocalyptique et fournir un background à une histoire tenant plus du hard-boiled que de la hard SF, nous donnant à lire un récit farci de techno-blabla où les durs à cuire n’ont pas le cœur uniquement fait de silicium. À plusieurs reprises, les robots de C. Robert Cargill se frottent ainsi à des dilemmes moraux qui les poussent à faire des choix, oubliant un instant leur nature désabusée et leur regard cynique. Ils montrent des émotions bien peu compatibles avec leur nature artificielle, faisant même montre d’une empathie fâcheuse. Bref, ils demeurent humains, voire américains, souffrant d’un anthropomorphisme fâcheux jusque dans leur propension au libre-arbitre, même s’ils demeurent conscients des limites de leur système.

Une fois précisé ces points, on peut mettre son cerveau en pause pour laisser infuser les images. Un Océan de rouille est en effet un roman trépidant, une longue course-poursuite jalonnée de fusillades cathartiques, de morceaux de bravoure hollywoodiens dans un univers calciné et hostile. Un road-novel que l’on accomplit en bonne compagnie, celle de Fragile, un robot humanoïde programmé pour le service à la personne. De cette époque, elle ne garde que des souvenirs nébuleux, liés à son éveil progressif à la conscience. Mais surtout, elle se souvient de la guerre et de la part sinistre qu’elle y a prise. Entre réminiscences, un tantinet téléphonées, et course-poursuite au cœur de l’océan de rouille, on n’a pas le temps de s’ennuyer, en dépit d’une alternance entre le passé et le présent parfois un peu artificielle. Ceci ne vient fort heureusement pas remettre en question le plaisir régressif que l’on prend à lire le roman de C. Robert Cargill, sans parler du malin plaisir que l’on ressent à le voir défier les routines de la science fiction classique.

Un Océan de rouille n’usurpe donc pas le qualificatif de roman de gare, idéal pour se défouler, surtout si l’on manque de blockbusters dans sa pile à visionner. Dans le genre, il tient même toutes ses promesses, comme un « bon mauvais livre » se doit de le faire, au sens orwellien de l’expression.

On parle de moi ici.

Un Océan de rouille (Sea of Rust, 2017) de C. Robert Cargill – Éditions Albin Michel Imaginaire, janvier 2019 (roman traduit de l’anglais [États-Unis] par Florence Dolisi)

Scintillements

Scintillements a de quoi réjouir l’amateur d’Ayerdhal, du moins s’il a une âme de complétiste. L’ouvrage a en effet le mérite de rassembler toutes les nouvelles de l’auteur, des textes parus sur différents supports de manière éparpillée, et d’y ajouter dix textes inédits. Publié au Diable vauvert, devenus au fil du temps l’éditeur de cœur de l’auteur, Scintillements s’enrichit aussi d’une courte préface de Pierre Bordage et d’un assortiment d’interviews, notamment celle menée de main de maître par Richard Comballot pour le recueil Voix du futur. Bref, on ne peut pas reprocher à l’éditeur languedocien d’avoir bâclé son travail.

On ne se livrera pas ici, bien sûr, à une recension complète de l’ouvrage : quarante textes, la tâche risquerait de devenir vite lassante, voire rébarbative, et ce ne serait pas rendre justice à l’auteur, décédé il y a maintenant presque cinq ans. Il suffit juste de savoir qu’on y trouve un condensé de ses thématiques préférées et de son intérêt pour l’éthique, les technosciences, le féminisme, le pouvoir, la liberté et l’anticonformisme. Que les éventuels curieux apprennent quand même que Scintillements propose de la rareté, notamment « Mat, mat, mat », la première nouvelle d’Ayerdhal, écrite avec son frère, pas forcément indispensable mais en mesure de flatter le collectionneur sommeillant dans chaque fan. Le recueil compte aussi son lot de textes anodins et inoffensifs, vites écrits autour d’une thématique pour satisfaire un dossier spécial dans la presse ou une plaquette promotionnelle pour une exposition. On y trouve des pastiches (« Le Réveil du croco » et « Les Seigneurs de la firme ») et des hommages (« RCW »), exercices de style codifiés dont Ayerdhal parvient à se dépêtrer en instillant ses préoccupations et son humour, parfois iconoclaste. Scintillements offre surtout l’essentiel, l’indispensable, le cœur de l’œuvre d’Ayerdhal, à savoir l’univers de l’Homéocratie (« Pollinisation » et « Scintillements »), décliné par ailleurs dans plusieurs de ses romans, sans oublier quelques-unes de ses plus grandes réussites dans le domaine de la nouvelle (« Éloge du déficit » ou l’inédit « Le Syndrome de Potemkine »), format dans lequel il ne se sentait pourtant guère à l’aise.

Ainsi, entre anticipation légère et space opera ébouriffant, exercice de style et spéculation, utopie et engagement politique, critique sociétale et sense of wonder, Scintillements propose un panorama salutaire de la carrière d’un écrivain au caractère entier, un tantinet râleur, ne négligeant aucun des aspects de son œuvre. Un auteur qui, à l’instar de Roland C. Wagner, manque cruellement au paysage de la science-fiction française.

Scintillements – Intégrale des nouvelles de Ayerdhal – Au Diable vauvert, 2016

l’âge de la déraison

Le procédé de l’uchronie a donné lieu, ces derniers temps, à une floraison d’ouvrages hybrides, à mi-chemin entre l’uchronie pure — celle dont la vraisemblance s’évalue à l’aune de la connaissance historique — et la fantasy. L’historicité la plus orthodoxe semble de plus en plus déserter les pages de l’autre Histoire, remplacée plus ou moins habilement par la fantasmagorie et les pseudosciences. Il n’y a pas là, forcément, matière à se lamenter. Des romans comme L’Age des Lumières de Ian R. MacLeod par exemple démontrent qu’il est possible, même avec des textes au carrefour de la fantasy et de l’uchronie, de traiter ce qui reste le véritable enjeu littéraire : l’Histoire, le devenir des civilisations et de l’individu. Cependant, force est de constater également que cette hybridation a généré une quantité non négligeable de romans, parfois tout à fait superflus. En rééditant « L’Age de la déraison » de Greg Keyes, jadis paru dans la défunte collection « Imagine » de Flammarion, Pocket fournit une parfaite illustration de cette littérature au rythme soutenu, pas forcément ennuyeuse, mais dans laquelle la divergence historique n’offre qu’un prétexte, une toile de fond à des aventures qui tiennent davantage du roman de cape et d’épée (de cape et de punk ?). Bref, tout ça pour dire que « L’Age de la déraison » est une série de romans pop-corn à déguster sans aucune autre intention que celle de s’amuser. Mais il est peut-être temps de voir en quoi consiste cet amusement qui se compose, quand même, de quatre volumes, et pas petits.

Comme vous ne le savez sans doute pas, Isaac Newton a découvert, en 1681, le mercure philosophal. Cette découverte a imprimé un tournant décisif à l’histoire de l’humanité telle que nous la connaissons et, en conséquence, les progrès scientifiques sont désormais liés à l’utilisation alchimique de l’éther. L’effort de rationalisation déployé par Greg Keyes pour rendre cohérent et crédible sa physique alchimique est malin. Il choisit d’introduire un décalage dans les lois physiques qui président au fonctionnement de l’univers. Ceci nous change des sortilèges, des raccourcis métaphoriques et autres fadaises qu’on nous assène habituellement en fantasy. Cependant, ce système demeure fondamentalement magique, les invocations étant juste remplacées par des équations mathématiques. Grâce à l’éther, la communication à longue distance est beaucoup plus facile et rapide. Il suffit d’avoir un éthérographe en harmonie avec son jumeau — une paire d’éthérographes, donc — et le tour est joué. De même, la matière en ce monde étant enveloppée dans des ferments éthériques, on peut, en agissant sur ceux-ci, provoquer des transmutations bien utiles. Hélas, la science est une arme à double tranchant dans les mains de l’humanité. De nouvelles armes toujours plus destructrices (kraftpistole, fervefactum, farenheit, etc…), ont ainsi été conçues, offrant des possibilités supplémentaires de se nuire aux grands royaumes européens. Ce dont ne vont pas se priver leurs monarques respectifs, même s’ils ne comprennent pas du tout le principe exact qui régit l’éther.

C’est dans ce contexte de bouleversements que commence le roman Les Démons du Roi-Soleil (lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire 2002, catégorie meilleur roman étranger, rappelons-le). Nous sommes en 1720, la guerre de succession d’Espagne, loin d’être achevée, se poursuit en ravageant le royaume de France. Petit à petit, les armées anglaises grignotent forteresses et places fortes d’un Roi-Soleil sauvé miraculeusement du trépas par un mystérieux élixir persan. Le monarque absolu, désormais aux abois, met tous ses espoirs dans une arme suprême qu’un transfuge de la Royal Society, fâché avec son maître Newton, est sur le point de lui offrir car, évidemment, il reste quelques détails à régler… Le roman d’ouverture de la série de Greg Keyes est donc un texte complètement balisé, coulé dans le moule d’une fantasy qui use des ressorts bien connus de la quête initiatique et de l’affrontement manichéen. L’initiation est ici double puisqu’il s’agit, d’une part, de celle de Benjamin Franklin, à peine sorti de l’adolescence mais déjà génial, et, d’autre part, de celle de Adrienne de Montchevreuil, jeune femme de tête dotée, de surcroît, d’un cerveau. Ces deux personnages principaux, autour desquels orbitent une multitude de personnages secondaires, ont comme point commun de s’intéresser énormément à la science. Ce qui ne va pas manquer de les plonger au cœur des événements déterminants de cet âge de la déraison naissant. Bien entendu, le romanesque l’emporte rapidement sur l’historique. Les clins d’œil, notamment à Alexandre Dumas par le biais d’un d’Artagnan, ici prénommé Nicolas, sont transparents. Complots, sociétés secrètes, aristocrates pervers et magiciens, ici nommés philosophes, se liguent pour rythmer le récit. Nous sommes en territoire connu, celui de l’aventure, au demeurant d’assez bonne tenue, et il y a même un potentiel romanesque qui ne demande qu’à prendre davantage d’ampleur. Cela tombe bien, car Greg Keyes est un conteur qui sait communiquer son enthousiasme. Aussi est-on heureux d’avoir le deuxième volume sous la main pour poursuivre l’aventure.

Deux années se sont écoulées lorsque commence L’Algèbre des anges. La cité de Londres a été effacée (damned !) de la carte et le royaume de France (foutre !) est en proie à la guerre civile. Fort heureusement, Isaac Newton a pu s’échapper avec Benjamin Franklin avant le cataclysme. Nous retrouvons donc nos héros indemnes à Prague, dans un Empire Habsbourg en sursis. Pendant ce temps, les armées du Tsar Pierre déferlent sur l’Europe de l’Ouest pour occuper le vide politique. Leur conquête est grandement facilitée par une flotte aérienne et de nombreux sorciers… pardon, philosophes. C’est le chaos, et Adrienne de Montchevreuil, son bébé et ses amis ont fort à faire pour échapper aux bandes armées qui sillonnent l’ancien royaume de France. Pendant ce temps (bis), dans le Nouveau Monde, les colons britanniques et français s’unissent pour organiser une expédition afin de comprendre les raisons de l’interruption des communications avec leurs métropoles respectives. Un chaman indien, Red Shoes, les accompagne afin de vérifier si les perturbations, qu’il a perçues à l’Est, ne sont pas un coup des mauvais esprits. Quels esprits ? Justement, ce volume va répondre à la question. En effet, comme le titre l’indique, l’enjeu général de ce deuxième épisode de « L’Age de la déraison » se déplace vers les anges. C’est par l’intermédiaire de ces créatures, qui peuplent l’éther, que les philosophes agissent sur les ferments éthériques qui composent la matière, pour accomplir mille prodiges. Mais Isaac Newton se méfie d’elles et voit dans le progrès qu’elles permettent une forme d’asservissement pour l’humanité et une aliénation de la méthode scientifique. Bref, les certitudes des uns et des autres sont mises à rude épreuve. En attendant, l’action ne ralentit pas. Les intrigues et les personnages secondaires se multiplient et Greg Keyes n’hésite pas à convoquer quelques célébrités truculentes, ici Edward Teach, alias Barbe-Noire, pour attiser l’intérêt du lecteur. Le récit, lui, continue d’alterner les points de vue, ce qui permet de suivre l’action dans les différents camps et d’introduire un effet de suspense. Avec une maîtrise impressionnante, Keyes le resserre progressivement jusqu’au bouquet final : ici une bataille dans le ciel de Venise avec blitz et abordage aérien. Bref, on ne s’ennuie pas un instant. C’est donc sous d’excellents auspices que l’on entame le troisième volet : L’Empire de la déraison.

L’action se déplace cette fois dans le Nouveau Monde. Dix années sont passées et Benjamin Franklin est devenu député du Commonwealth. Marié à la belle Lenka (rencontrée à Prague, pendant son exil), il a fondé la Junte, une organisation scientifique secrète qui met son savoir en œuvre pour garder la guerre et ses horreurs éthériques loin des terres américaines. Mais voilà, un prétendant à la Couronne d’Angleterre débarque avec le soutien de la Russie et de quelques tories nostalgiques. L’heure semble être venue de livrer une guerre d’indépendance sans l’appui des forces des Malakim, ces créatures de l’éther, qui ont fait des hommes leurs marionnettes. Pendant ce temps, Adrienne et sa garde rapprochée fuient Saint-Pétersbourg et ses complots à bord d’une flottille aérienne. L’intention de la sorcière est aussi de retrouver son enfant que lui ont dérobé les Malakim de la faction opposée à ceux qui la soutiennent. Elle ne sait pas encore que celui-ci est devenu un être surpuissant, l’Enfant-Soleil, qui a débarqué en Amérique à la tête d’une armée pour entreprendre sa conquête par l’Ouest. Averti de l’approche de cette menace, le chaman Red Shoes part à la rencontre de son destin. On sent à la lecture du troisième volet de « L’Age de la déraison » que l’apothéose est proche. La guerre humaine devient totale. On se bat sur terre, sur mer et dans le ciel. Des armes toujours plus terrifiantes sont utilisées : submersibles et créatures éthériques enchâssées dans des armures mues par des muscles alchimiques. Les actes de bravoure succèdent aux trahisons sans laisser un instant de répit. La guerre matérielle se double d’un conflit de nature plus métaphysique, entre les Malakim eux-mêmes, et se teinte d’une touche de prophétie. C’est désormais le devenir de l’humanité qui est en jeu et non plus celui des monarques. Le grand bazar de la fantasy s’impose définitivement. Et pourtant, le lecteur est conquis… Reste un tome avant la délivrance.

Inutile de résumer L’Ombre de Dieu puisque cet ultime volume s’inscrit totalement dans la continuité du précédent. En fait, à sa lecture, on ne peut s’empêcher de songer qu’un élagage de l’histoire n’aurait pas fait de mal à la série. Le rythme, déjà débridé dans les précédents tomes, s’accélère encore, échappant manifestement au contrôle de l’auteur. La déraison n’est plus uniquement dans le titre. Elle est dans l’accumulation des rebondissements et des points de vue. Elle est aussi dans la multiplication des batailles et des défis héroïques ; multiplication qui finit par lasser. Et lorsque le dénouement se produit (on le voyait venir depuis le début du troisième tome), on soupire de soulagement. Reste que, au regard des trois précédents tomes, force est de constater qu’on a finalement passé un agréable moment de lecture. Alors pourquoi se priver ?

« L’âge de la déraison », série se composant de quatre romans : Les Démons du Roi-Soleil (Newton’s cannon, 1998), L’Algèbre des Anges (A calculus of Angels, 1999), L’Empire de la déraison (Empire of Unreason, 2000) et Les Ombres de Dieu (The Shadow of God, 2001) – Greg Keyes, réédition Pocket, Science fiction/Fantasy, mars 2007 – (Romans traduits de l’anglais [États-Unis] par Olivier Deparis, Jacques Chambon).

Le Triomphant

Une terre en proie à la guerre. Des souverains se disputant la même couronne. Des villages arasés, des champs brûlés. Non, vous n’êtes pas en train de regarder un épisode de Game of Throne, bien au contraire, vous découvrez un aperçu de la Guerre de Cent Ans, avec son long cortège de fléaux : famine, peste et compagnies de mercenaires sans allégeance. Une époque dépourvue de valeurs morales, où même la foi en Dieu se trouve ébranlée. Ne nous fourvoyons toutefois pas. Si l’Histoire offre un cadre au récit de Clément Milian, la matière historique n’est pas l’enjeu de ce roman. Le Triomphant lorgne davantage du côté de la chanson de geste, éludant courtoisie et afféteries d’une chevalerie fantasmée au profit de visions dantesques, dignes de figurer dans l’imaginaire de Jérôme Bosch. Il prend ainsi pour modèle les gueux, la piétaille sacrifiable composant le gros des compagnies stipendiées par les souverains et leurs vassaux, faisant subir pire que la mort au bas peuple, ces paysans mal dégrossis, l’échine cassée à force de retourner la terre ou de plier devant le seigneur.

Le Triomphant n’en demeure pas moins une quête, celle de cinq combattants à la poursuite du Mal, mais aussi celle d’une jeune fille poussée sur la route par la destruction de son foyer. Clément Milian opte pour un registre symbolique, enfilant les chapitres courts, proches parfois de l’épure, pour décrire le périple de cinq soldats, chiens de guerre fatigués, décidés à guérir le monde, à le soulager de sa souffrance en abattant la Bête, un combattant invulnérable, image du Malin dans une civilisation pétrie de religiosité, mais aussi incarnation de la guerre, de toutes les guerres. Bref, un agent du chaos, cruel et sauvage, se suffisant à lui-même. De ces cinq caractères, Clément Milian brosse un portrait minimaliste, tordant les archétypes classiques du héros épique. Aloys, le plus jeune, est ainsi poussé à se battre par l’orgueil et le besoin de surmonter la terreur qui lui broie les tripes à chaque bataille. De son côté, Bertrand est animé par une foi ardente depuis qu’il a vécu une véritable théophanie dans les bras d’une femme. Dos Noir, le vétéran à la carcasse couturée de cicatrices, sait qu’il va mourir. Il le répète d’ailleurs à l’envi, sans pour autant retenir ses coups. Engelier, le taiseux du groupe, est poussé à se battre par la nécessité et la colère. Quant à Païen, l’anonyme sans foi ni loi, il réprouve toutes les religions, utilisant bien mal son libre-arbitre. Aux yeux de Diane, ces cinq compagnons d’arme ne se distingue guère de tous ceux qui pillent et ont massacré ses proches. Ils ne sont que la manifestation de cette guerre dont elle fuit l’emprise délétère.

Entre le ciel rouge reflétant les flammes des incendies et la terre noire, calcinée, ils parcourent tous un paysage d’apocalypse, dépourvu de toute vie, y compris animale. Une terre gâte, désertée par Dieu ou la simple pitié, préfigurant les guerres à venir. De cet enfer terrestre jalonné de paysans crucifiés, d’enfants démembrés, de femmes violées puis éventrées, cette troupe disparate ne retire qu’un immense dégoût, accomplissant un douloureux voyage au cœur des ténèbres, où la laideur du monde les renvoie à l’image de leurs propres actes.

Après avoir flirté de manière peu convaincante avec un imaginaire emprunté à la Science-fiction dans Planète vide, Clément Milian emprunte d’une façon plus enthousiasmante les tropes et motifs de la fantasy. Le Triomphant s’impose ainsi comme une quête âpre, traversée par des moments de pure beauté. Une poésie du désastre dont on garde longtemps la désespérance en mémoire.

Le Triomphant de Clément Milian – Éditions Les Arènes, collection « Equinox », mai 2019

Dans la Colère du Fleuve

Écrit à quatre mains, en compagnie de son épouse la poétesse Beth Ann Fennely, Dans la Colère du Fleuve fait œuvre romanesque en épousant une page de l’histoire américaine, comme dans La Culasse de l’enfer. On se pose en effet en 1927, au moment de la grande crue du Mississippi, événement catastrophique qui causa la mort de deux cent personnes et provoqua l’exode de plus de 500 000 autres. Suite aux pluies diluviennes de l’été, le fleuve menace de sortir de son lit, en dépit des digues qui ont été patiemment érigées pour le contenir. Pendant que le gouvernement dépêche sur place la garde nationale, les autorités locales réquisitionnent toute la main d’œuvre disponible, noirs y compris, pour renforcer les ouvrages. Dans la ville de Hobnob comme ailleurs, la perspective de l’inondation effraie. Les nouvelles alarmantes affluent, poussant ses habitants à mettre leurs meubles à l’abri dans les étages lorsqu’ils le peuvent, ou à tout abandonner pour rejoindre les camps d’hébergement provisoire. On s’agite dans les rues, on colporte les rumeurs de sabotage des digues et on boit un coup, en dépit de la Prohibition, parce que c’est dur. L’eau comme l’alcool coulent en effet à flot, le second n’attirant que très peu l’attention d’autorités locales plus préoccupées par le débordement du fleuve et qui, aux dires des uns et des autres, touchent leur part dans le très fructueux trafic. Seuls deux agents du fisc, envoyés sur place sous une fausse identité par le futur président Herbert Hoover, celui-là même qui devra affronter une autre crise, économique cette fois-ci, semblent disposés à mettre hors d’état de nuire les bootleggers du coin.

Sur cette trame de roman noir, Tom Franklin et Beth Ann Fennely déroulent une intrigue romanesque, où l’enquête policière et le contexte historique apparaissent comme les composantes d’une dramaturgie, empreinte de religiosité, finalement très classique. Le récit ne tarde pas à se focaliser sur deux personnages, avec comme trait d’union un nourrisson orphelin recueilli après une tuerie dans une épicerie. On s’intéresse à leur passé, mêlant l’intime à l’universel sur fond de catastrophe imminente. On fait ainsi la connaissance de Dixie Clay Holliver, jeune femme de vingt ans, mariée au sortir de l’adolescence à Jesse, un malfaisant sans scrupules qu’elle a idéalisée avant de subir sa violence. Éprouvée par la mort de son premier enfant, la scarlatine ne pardonnant pas à l’époque, elle est devenue ensuite la cheville ouvrière du commerce de son mari, distillant un alcool de contrebande très recherché dans la région. Pour Ted Ingersoll, elle apparaît comme la mère adoptive idéale. Mais, l’agent du fisc, orphelin lui-même et ancien combattant de la Première Guerre mondiale, se rend compte très vite que son choix le met en porte-à-faux par rapport à son collègue Ham, un dur-à-cuire qui l’a commandé au front. De surcroît, ce choix place Dixie dans une position délicate vis-à-vis de son mari, alimentant la jalousie de celui qui se voit déjà comme le futur gouverneur de l’État. Dans ces conditions, la rédemption est-elle encore possible pour la jeune femme ? Ingersoll peut-il rester fidèle à son intuition première sans trahir sa mission ? Face au dilemme du policier, le déluge ne paraît pas superflu pour faire table rase du passé et rebâtir une vie sur de meilleures bases.

Magnifique histoire dans la plus pure acception du roman américain, Dans la Colère du fleuve pèche sans doute un peu en raison de son manque d’originalité et son trop grand classicisme. Il n’en demeure pas moins un récit puissant dont le flot romanesque nous fait toucher du doigt la fragilité de l’existence humaine et sa capacité de résilience.

Dans la colère du fleuve (The Tilted World, 2013) de Tom Franklin & Beth Ann Fennely – Réédition LGF, collection « Le Livre de poche », 2017 (roman traduit de l’anglais [États-Unis] par Michel Lederer)