En 1983, l’explosion de Briareus Delta prend tout le monde de court. Située à cent- trente-deux années-lumière de la Terre, pour ainsi dire aux portes de la planète, l’étoile devenue supernova irradie un puissant éjecta de particules, bouleversant d’abord l’atmosphère terrestre et entraînant quelques catastrophes météorologiques. Mais, les effets délétères de l’explosion se déploient surtout sur le long terme provoquant un nouvel âge glaciaire et agissant au niveau cellulaire sur le métabolisme humain. La supernova semble avoir désamorcée la bombe P d’une manière aussi incompréhensible que radicale. Après une période de déni, puis de mesures extrêmes, l’humanité finit par se résoudre à son extinction. Des années plus tard, Margaret et Calvin trouvent refuge au nord de l’Angleterre, dans une demeure ancienne dont l’existence a été révélée à Calvin dans un songe.
Jadis paru dans la collection « Présence du Futur », Le Crépuscule de Briareus fait partie des ouvrages qui inaugurent les toutes jeunes éditions Argyll. Un choix d’autant plus judicieux que le roman n’était plus guère disponible au-dehors du marché de l’occasion. Doté d’une postface composée d’une interview de l’auteur, parue dans la revue Vector en 1979, et de deux articles de Christopher Priest mentionnant sa rencontre et son amitié avec Cowper, le présent livre bénéficie de surcroît d’une révision complète de sa traduction par Pierre-Paul Durastanti.
Comme John Brunner ou Brian Aldiss, pour ne prendre que ces deux auteurs, Richard Cowper (de son vrai nom John Middleton Murry) appartient à cette génération d’écrivains britanniques ayant pris son envol au moment de la New Wave. Guère attiré par le registre techno-scientifique de la science fiction, le bonhomme a été plutôt enclin à décrire les mystères insondables de l’esprit humain. Une thématique se retrouvant également au cœur de son autre opus majeur : L’Oiseau blanc de la fraternité (dérivé de la nouvelle au titre très floydien Piper at the Gates of Dawn, inspirée elle-même, comme l’album du groupe anglais, du chapitre 7 du roman Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame).
Le Crépuscule de Briareus décrit la lente érosion de l’humanité devant une catastrophe d’ampleur cosmique prenant la forme d’une invasion extraterrestre indicible. On y retrouve les motifs familiers à l’amateur de roman catastrophe et d’anticipation spéculative. Richard Cowper fait en effet montre d’une sensibilité littéraire, s’attachant exclusivement à la psychologie des personnages, à leurs émotions et leur rapport à autrui. L’argument scientifique passe ainsi au second plan du récit et il ne vaut mieux pas se montrer trop regardant sur sa plausibilité. À bien des égard, les personnages de Cowper aspirent à une forme de transcendance, au refus de toutes les peurs pour former une communauté apaisée. L’auteur prêche pour le pouvoir de l’esprit et sa supériorité sur la technique. Le récit de Calvin prend ainsi une coloration mystique, culminant au moment d’un sacrifice quasi-christique, prélude à la régénération du monde sous les auspices d’une mutation de l’homme.
Si Richard Cowper se montre volontiers nostalgique, voire passéiste, nourrissant un amour certain pour la campagne anglaise, il n’opte pas ouvertement pour le pessimisme. Bouleversement du climat, surpopulation, épuisement des ressources, les thématiques abordées par l’auteur témoignent même d’une certaine acuité. Et s’il n’entretient guère d’illusion sur la rationalité de la société moderne confrontée à sa propre fin, il croit fermement en une possible rédemption fondée sur la communion des esprits et des intelligences.
Réédition salutaire, Le Crépuscule de Briareus remet au goût du jour un roman post-apocalyptique panthéiste et bucolique dont les accents catastrophistes mais apaisés imprègnent longtemps l’esprit. On attend maintenant la parution de L’intégrale de L’Oiseau blanc de la fraternité, annoncée prochainement chez Argyll.

Le Crépuscule de Briareus (The Twilight of Briareus, 1974) – Richard Cowper – Éditions Argyll, 2021 (roman traduit de l’anglais par Claude Saunier, texte révisé par Pierre-Paul Durastanti)
Je me rends compte que je n’ai jamais rien lu de lui. Il faudra que j’essaie au moins L’Oiseau Blanc.
La nouvelle est chouette !
Bon souvenir de lecture en PDF, Elisabeth Gille succédait alors à Robert Kanters à la tête de la collection
Qui se souvient d’elle ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_Gille
Ben, j’ai dû en lire par mal de cette période. Grande période !