Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein

Flicker (oublions l’affreuse traduction française de son titre) a propulsé Theodore Roszak au rang des auteurs attendus comme le messie. Les rares lecteurs de Puces [Bugs] pouvaient déjà témoigner de l’habileté littéraire de l’auteur. Avec Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein, il s’offre un flash-back gothique aux sources du fantastique et de la science-fiction.

On a beaucoup joué avec l’œuvre de Mary Shelley. Le cinéma s’est emparé promptement de la créature du comte Frankenstein en accentuant la dimension horrifique de celle-ci, dénaturant au passage les rapports entre le créateur et la créature. On a également beaucoup écrit et théorisé sur les circonstances de la création du roman, sur son autrice et son entourage. Certains ont vu dans Frankenstein ou le Prométhée moderne un texte précurseur du fantastique moderne. D’autres, notamment Brian Aldiss, en ont fait un roman de science-fiction avant la lettre. Sur ces sujets Theodore Roszak ne se prononce pas. Son roman s’ajoute à cette longue déclinaison d’œuvres de fiction qui s’inspirent du texte et du personnage de Mary Shelley et dans laquelle s’inscrivent déjà La villa des mystères de Federico Andahazi, Le fils de Prométhée de René Reouven, Le Prométhée invalide de Walter Jon Williams, Frankenstein délivré de Brian Aldiss et bien d’autres encore…

L’argument de départ de Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein est très simple. Après la mort de Victor Frankenstein, Robert Walton est resté persuadé que la confession du démiurge demeurait incomplète. Selon lui, il manquait encore des éléments pour analyser et appréhender scientifiquement l’histoire de la déchéance de ce Prométhée moderne. Cette conviction le pousse à se rendre sur le continent afin de poursuivre son enquête sur les lieux mêmes de la tragédie. Après une âpre négociation, il obtient du dernier membre vivant de la famille Frankenstein des documents rédigés de la main d’Elizabeth, la demi-sœur et fiancée de Victor. Il est ainsi informé de la partie demeurée secrète de l’histoire.

A l’évidence, le roman de Theodore Roszak se veut plus proche du roman originel dont il reprend le dispositif narratif. Robert Walton est à nouveau le porte-parole du récit, introduit ici sous la forme des lettres écrites par Elizabeth Frankenstein. L’auteur ne s’en tient cependant pas à un simple décalque en trompe-l’œil du roman gothique de Shelley. La confession de la jeune femme est encapsulée dans les commentaires de Walton qui se livre à une véritable dissection du récit d’Elizabeth. Par ailleurs, la connaissance de l’arrière-plan historique est irréprochable, procurant une épaisseur crédible au roman. Ainsi, Roszak restitue habilement, non seulement les événements, mais aussi le bouillonnement intellectuel et scientifique de l’époque des Lumières. Sa restitution n’est cependant ni d’un optimisme béat, ni d’un pessimisme réactionnaire. Elle se veut juste lucide et sans concession. « Nous vivons une ère de systèmes : le médium éthéré, les particules élastiques, les essences et les fluides subtils roulant et bondissant à travers le néant infini, le tout destiné à révéler la Grande Cause dont la maîtrise ferait de l’homme l’égal de Dieu. Le docteur Mesmer avait vécu sa vie en cherchant la clé qui révélerait le secret des secrets, et il l’avait trouvée, du moins le croyait-il. Mais combien cette quête peut rendre l’homme brutal, me dis-je. Combien l’amour de la vérité peut le pervertir, surtout quand il croit qu’elle est presque à portée. Que rien ne vienne alors lui barrer la route ! Il arracherait les portes du ciel pour ravir ce secret. Il trahirait sa bien-aimée. »

Ainsi à l’instar de Flicker, la réalité nourrit la fiction au point de flouter les contours de l’une et de l’autre. Hélas, le vertige suscité par le mélange des deux n’atteint pas les sommets de ce précédent roman, Theodore Roszak se contentant de respecter strictement la chronologie de l’histoire de Mary Shelley. L’auteur choisit cependant de pousser sur le devant de la scène Elizabeth, la demi-sœur et fiancée de Victor Frankenstein. Pour se faire, il utilise les trous du récit de Victor Frankenstein – ou de Mary Shelley… – afin d’y insérer une histoire secrète plus générale sur les rapports entre l’homme et la femme. Au fil de la confession d’Elizabeth, les références à des événements et à des personnages historiques se mélangent à une histoire de nature plus ésotérique. Les Mémoires de la jeune femme dévoilent ainsi un affrontement entre deux conceptions du monde, un affrontement de nature sexiste qui ne trouvera son terme que dans l’union parfaite, le mariage alchimique. Unir ce qui a été divisé. Faire Un de Deux. Telle est l’œuvre à accomplir pour les adeptes exclusivement féminins de cette conception du monde. L’érudition de l’auteur fait une fois de plus ses preuves pour authentifier cette histoire cachée. Il nous guide à travers les arcanes complexes de l’Alchimie et du Tantrisme, établissant des passerelles entre ces croyances. Il faut convenir cependant que l’hermétisme des symboles et le didactisme des explications finissent par lasser. Une partie entière (115 pages) consacrée à ce sujet quand même ! De quoi refroidir les ardeurs du plus méritant des lecteurs. Enfin, la quatrième de couverture présente le texte comme un roman gothique et féministe. Il n’est pas sûr qu’il soit si féministe que cela, en tout cas dans l’acceptation contemporaine du terme.

Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein est donc un étonnant roman qui, sous couvert de fiction et d’hommage à Mary Shelley, se veut un pamphlet contre l’aveuglement généré par la recherche de la vérité. Mais, plus qu’un brûlot féministe, le présent roman s’apparente surtout à un appel à la mesure afin de déchiffrer le monde et comprendre l’autre, sans en violer l’intégrité.

Les Mémoires d’Elizabeth Frankenstein (The Memoirs of Elizabeth Frankenstein, 1995) – Theodore Roszak – Rééditions Le Livre de poche, 2009 (roman traduit de l’anglais [États-Unis] par Édith Ochs)

B. Traven, romancier et révolutionnaire

Le nom de B. Traven n’est pas de nature à soulever l’enthousiasme dans le lectorat, surtout en France où ses romans peu traduits restent en grande partie méconnus. Il apparaît pourtant comme un auteur aussi important que Jack London, voire George Orwell. Ecrire sa biographie relève de la gageure, tant il s’est ingénié à cacher son identité réelle. Un exercice sans doute plus proche de l’enquête que de la simple recension de faits attestés et balisés. Considérant que sa vie lui appartient, seule son œuvre n’a d’importance aux yeux de Traven et c’est le seul point qu’il entend léguer aux lecteurs. Une œuvre entièrement consacrée à la lutte contre l’oppression et l’injustice du capitalisme.

Personnage aux identités multiples, résolu à brouiller les pistes, y compris sur sa nationalité, l’illustre inconnu Traven voit son anonymat menacé par le succès du film de John Huston Le Trésor de la Sierra Madre, adaptation du roman éponyme écrit en 1927. Traqué par les journalistes et les détectives privés, attirés notamment par la prime offerte par le magazine Life, il doit ruser pour entretenir le mystère, n’échappant pas aux nombreuses supputations, parfois fantaisistes, sur son identité et son ascendance familiale. Parmi les hypothèses, il en ressort au moins une, confirmée par de nombreuses sources et recoupements. B. Traven et Ret Marut seraient une seule et même personne. Bien connu des historiens spécialistes de l’après Première Guerre mondiale en Allemagne, le second était l’animateur du journal radical Der Ziegelbrener (Le Fondeur de briques), réputé pour son rôle actif pendant la République des conseils de Bavière. Un épisode révolutionnaire s’étant achevé dans le sang lors de l’intervention des corps francs diligentés par le gouvernement allemand, avec la complicité des pays vainqueurs. Contraint à l’exil, après avoir failli être exécuté, Marut trouve finalement refuge au Mexique où il habitera jusqu’à sa mort en 1969.

Le premier roman signé B. Traven est publié en feuilleton à partir de 1925 dans le quotidien social-démocrate berlinois Vorwärts. Les Cueilleurs de coton traite de la condition difficile et du travail harassant des ouvriers du coton, la plupart du temps Indiens, dans les plantations du Mexique. Un sujet évidemment digne d’intérêt aux yeux de l’ancien activiste et anarchiste allemand. La publication de ce récit attire l’attention de la Guilde du Livre Gutenberg, une entreprise à l’initiative de typographes allemands qui se propose d’offrir à tous les travailleurs la possibilité d’acquérir à bas prix des « livres satisfaisants pour l’esprit et de belle qualité ». Jugeant le récit de Traven digne de figurer dans son catalogue, le collectif lui propose de l’éditer et réclament aussitôt d’autres titres. Cette publication marque le début d’une fidèle collaboration. Le mythe Traven est en marche !

Entre 1926 et 1927, Le Vaisseau des morts et Le Trésor de la Sierra Madre paraissent sans que le secret sur la véritable identité de leur auteur ne soit levé. En fait, il brouille les cartes, rejetant la nationalité allemande en lui préférant celle des États-Unis, avant de se déclarer finalement apatride. Dans ses écrits transparaissent une forte propension à la contestation, un sentiment de révolte prenant pour cible le militarisme, la religion, la bourgeoisie et le capitalisme. Les socialistes de gouvernement n’ont pas l’heur de lui plaire. Au mieux qualifié de tièdes, ils sont au pire considérés comme des traîtres, les bourreaux de la révolution. En fait, les idées de Traven le prédisposent à un anarchisme individualiste, celui prôné par Max Stirner, même s’il ne rechigne pas à louer l’aspect collectif de la dynamique révolutionnaire.

Au travers des écrits de B. Traven, Rolf Recknagel essaie de retrouver l’homme qui se cache derrière l’œuvre. Il s’attache autant à son style qu’aux idées qu’il véhicule, cherchant à élucider le mystère entourant le bonhomme. À l’aide de nombreux extraits des articles de Ret Marut, de la correspondance et des romans de son double B. Traven, un riche corpus publié sur une cinquantaine d’années, il s’efforce de dessiner un portrait aussi fidèle que possible de l’auteur, retraçant les lignes de force d’une pensée et d’un engagement restés sincères jusqu’au bout de son existence. Il dresse des passerelles entre les pamphlets de Marut et les écrits romanesques de Traven, de ses premiers romans au point d’orgue du cycle de l’acajou, pointant les convergences intellectuelles et la constance dans l’engagement anticapitaliste. Il nous livre ainsi le portrait d’un auteur farouchement opposé à la domination bourgeoise, un individu se voulant libre de toute entrave, y compris partisane, ne ménageant pas sa sympathie pour la cause des travailleurs et des Indiens. Un esprit libre, intersectionnel avant l’heure, rattrapé sur le tard par la célébrité et le succès.

L’essai de Rolf Recknagel, régulièrement mis à jour depuis sa première parution en 1966, permet de se faire une idée sur l’itinéraire d’un personnage hors norme, dont l’œuvre apparaît comme le compagnon de route idéal du révolté ne parvenant pas à se résoudre à l’injustice du monte tel qu’il va mal. Pour les amateurs, signalons enfin sur le même sujet l’excellente bande dessinée de Golo.

B. Traven, romancier et révolutionnaire (B. Traven, Beiträge zur biografie, 2009) – Rolf Recknagel – Réédition Libertalia, 2018 (essai traduit de l’allemand par Adèle Zwicker)

Le Temps de la haine

Troisième volet de la série consacrée à Bruna Husky, la techno-humaine inspirée des réplicants du Blade Runner de Ridley ScottLe Temps de la haine prolonge le futur dystopique esquissé par Des larmes sous la pluie et Le Poids du cœur. Au fil des enquêtes, Husky s’est construit une petite famille, avec grand-père, fille, amant et même animal de compagnie (un extraterrestre pour changer du sempiternel chien), histoire d’adoucir le spleen existentiel né du décompte de son espérance de vie réduite à peau de chagrin. Mais l’équilibre fragile mis en place par la détective est menacé par l’enlèvement, puis la prise en otage du commissaire Lizard, l’élu de son cœur, réactivant ainsi ses penchants destructeurs dans un monde au bord de la guerre civile et de la guerre tout court.

On ne change pas une recette qui marche, serait-on tenté de dire. Un principe que Rosa Montero applique avec méthode, conjuguant les vertus de l’anticipation légère à celles de la métaphore. Car si Le Temps de la haine n’a plus grand-chose à nous apprendre sur le personnage de la réplicante, indépendamment de la quête de son identité ici enfin révélée (les fans de Madame Bovary et de Flaubert apprécieront), le roman fonctionne toujours comme un reflet des maux de notre présent décalés dans l’avenir. L’UE devient ainsi l’UET, un vaste marché mondial où prévalent la démocratie et le libre-échange mais où, bien entendu, les inégalités de richesse ont explosé, concourant à stimuler les forces centrifuges d’une société civile en voie de radicalisation, en proie aux discours manipulateurs de leaders, volontiers populistes, prônant la disruption dans la continuité. Le futur de Rosa Montero se nourrit ainsi des peurs et angoisses du présent, rappelant, s’il est nécessaire de le faire encore, l’importance des liens d’amitié et de solidarité. Face à un monde rendu incertain par la mondialisation et la dégradation irrémédiable de l’environnement, où le seul fait de boire ou de respirer un air pur font l’objet d’un commerce, l’autrice espagnole défend l’idée d’une société plus fraternelle, appelant à se méfier des dogmes ou idéologies et des discours tout faits. Quant à Bruna Husky, contrainte de fendre l’armure, elle doit abandonner sa misanthropie pour laisser affleurer davantage ses sentiments, renonçant à la haine ordinaire pour adopter définitivement l’amour.

En dépit d’une intrigue guère originale, pour ne pas dire répétitive si l’on a lu les deux précédents titres de la série, Le Temps de la haine n’engendre fort heureusement pas que la lassitude. Rosa Montero apporte malgré tout une touche finale honorable aux aventures de la réplicante Bruna Husky. Avis aux fans de l’autrice.

Le Temps de la haine (Los tiempos del odio, 2018) – Rosa Montero – Editions Métailié, septembre 2019 (roman traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse)

Le Sang ne suffit pas

1748. L’hiver au fin fond des Cumberland Mountains n’a pas la réputation d’être clément pour les Pieds-tendres, a fortiori s’il s’embarrassent avec les valeurs chrétiennes prônées sur la côte Est, dans la colonie de Virginie. Entre sauvages et Français, l’existence est même plutôt courte et âpre, y compris pour le trappeur accoutumé à survivre dans la montagne, auprès des ours et des loups. À Bannock, le poste pionnier implanté par la Couronne britannique pour revendiquer quelques arpents de terre supplémentaires, se perpétue une drôle de tradition. On y achète la paix avec les Shawnees contre quelques nourrissons tirés au sort. Et, ce n’est pas le docteur Integer Crabtree qui trouvera à y redire. Le nouveau commandant du fort a bien d’autres sujets de préoccupation, comme par exemple oublier le bannissement dont il est victime. A défaut d’assurer la sécurité de la triste population du fort, un ramassis d’ivrognes et de filles de joie, avec le sens du devoir que l’on attend de lui, il préfère les vertus consolatrices de l’ironie amère, négligeant l’oubli procuré à peu de frais par l’alcool et une partie de jambe en l’air. Mais, la fuite de la dernière élue, avec le fruit de ses entrailles, vient remettre en cause l’arrangement avec les peaux-rouges. Une mésaventure d’autant plus fâcheuse que leur chef Blacktooth n’est pas du genre patient. Assailli par l’hiver, menacé par la famine, la maladie, la sédition et les braves de la tribu qui empêchent tout ravitaillement, Crabtree ne voit le salut que dans la personne des frères Autry. Un duo de pisteurs Écossais aussi crasseux que vénal dont tout le monde au fort connaît les aptitudes criminelles et le peu de scrupules.

Le Sang ne suffit pas n’est pas le genre de roman dont on ressort avec un sentiment mitigé. Alex Taylor ne prise guère l’eau tiède, démontrant une fois de plus, après Le Verger de marbre, la puissance d’évocation de sa prose impitoyable. Dès la première page, on est saisi par la sauvagerie et la brutalité de son univers. L’auteur ne ménage pas sa plume, nous immergeant au plus près du quotidien des pionniers de ce coin perdu d’Amérique. Une existence précaire, ne tenant plus souvent qu’à un fil, celui entre la vie et la mort. Les paysages restent d’ailleurs muet devant tant de misère et bestialité, offrant un contrepoint majestueux aux passions tristes de l’engeance humaine. Alex Taylor ne fait en effet pas les choses à moitié lorsqu’il dépeint le microcosme de Fort Bannock. La crapulerie y côtoie la convoitise sans que rien ne vienne tempérer notre jugement. L’auteur nous en dresse un tableau imagé, ne lésinant pas sur les détails, y compris olfactif. Dans une prose dense, pétrie d’archaïsmes, il croque ainsi les trognes des personnages avec une ironie gourmande dont on s’amuse avec une horreur mêlée de jubilation. D’aucuns trouveront sans doute qu’il en fait trop, ne craignant pas de faire dans la surenchère, notamment lorsqu’il convoque une ourse en furie, histoire de pimenter la course-poursuite des personnages. D’aucuns jugeront la langue employée parfois un tantinet pesante, à force d’afféteries. Les lecteurs des récits oraux consacrés à Jeremiah Johnson, collectés puis mis en forme par Raymond W. Thorp et Robert Bunker, apprécieront toutefois cette histoire, y retrouvant comme un écho des épisodes de la saga du géant montagnard qui, en matière de brutalité, de rusticité et d’exploit surhumain, est plus propre du roman d’Alex Taylor que de l’imagerie proprette des Davy Crockett et autre Daniel Boone dont Disney s’est fait un colporteur chevronné.

Vous l’aurez compris à la lecture de cette chronique, Le Sang ne suffit pas est un nouveau coup de cœur. Alex Taylor confirme sa capacité à restituer dans un style effarant de crudité et de cruauté, la violence brute de l’existence humaine sur la Frontière.

Le Sang ne suffit pas (Blood speeds the traveler, 2019) – Alex Taylor – Éditions Gallmeister, collection « Totem », mars 2022 (roman traduit de l’anglais [États-Unis] par anatole Pons-Reumaux)

La Cité des nuages et des oiseaux

Annoncé sur les réseaux sociaux et la blogosphère comme la sensation forte de la rentrée dans le domaine de l’imaginaire, La Cité des nuages et des oiseaux se révèle au final à la hauteur de ce buzz très favorable, au point de réveiller chez les plus chenus des lecteurs des réminiscences empruntées à leur connaissance de l’œuvre de David Mitchell et son fameux Cartographie des nuages paru en 2004. Déjà presque vingt ans, autant dire une éternité à notre époque où priment le volatil et l’éphémère. Un fait qui n’est pas sans rejoindre, malicieusement, le propos du livre d’Anthony Doerr.

« Certaines histoires peuvent être vraies et fausses en même temps. »

Roman fleuve irrésistible, La Cité des nuages et des oiseaux nous happe dans les méandres tumultueux de l’Histoire, partagé entre un passé tragique, un présent inquiet et un futur non moins douloureux, mais pourtant porteur d’espoir. Roman puzzle, il s’attache au personnage d’Antoine Diogène, auteur grec de l’Antiquité dont ne nous connaissons les écrits que par l’intermédiaire du résumé qu’en a fait Photius dans sa Bibliothèque. Récit de voyages fabuleux, Les merveilles d’au-delà de Thulé, pour le peu que l’on en connaît, semble avoir inspiré l’Histoire vraie de Lucien de Samotase, ce que n’a pas manqué de pointer Photius lui-même. Anthony Doerr choisit d’en faire la matrice et le fil conducteur de son roman, entremêlant les époques et les existences infimes, sur fond d’Histoire, de visions eschatologiques et de catastrophe environnementale. Des sujets bien de notre temps qui voit le spectre de l’effondrement agiter de plus en plus fort ses chaînes, ne suscitant que sidération et inaction.

À la différence de David Mitchell, il opte pour une construction plus sage, faisant s’entremêler les récits au lieu de chercher à les enchâsser avec une maestria forcée. Il ne cherche pas davantage à mélanger les registres littéraires, préférant un style plus neutre qui n’affaiblit en rien la narration. On saute ainsi d’une époque à l’autre sans solution de continuité, retraçant l’itinéraire du conte d’Antoine Diogène à travers les histoires personnelles de ses différents possesseurs et les péripéties d’une Histoire qui, si elle n’épargne par les hommes et les civilisations, n’en demeure pas moins cruelle avec leurs écrits.

« Mais les livres meurent, de la même manière que les humains. »

La Cité des nuages et des oiseaux apparaît aussi comme un roman de consolation où les histoires se révèlent un viatique salutaire, prompt à réconcilier les personnages avec le monde et les aidant à endurer les aléas de l’existence. Des histoires qui permettent à Anna, une orpheline hébergée avec sa sœur dans un atelier de broderie de Constantinople, de supporter la tyrannie de son maître et d’oublier l’armée du sultan Mehmet II, dont les contingents innombrables s’apprêtent à franchir les murailles de la « Reine des villes », pourtant réputée inexpugnable. Elles sont le secret qu’elle partage avec Omeir, fondant leur amour après que le garçon solitaire, regardé par tous avec effroi en raison de son bec de lièvre, ait déserté l’armée du sultan suite à la mort d’épuisement des bœufs jumeaux qu’il a vu naître. Elles sont l’unique passion qui reste à Zeno, un vétéran de la Guerre de Corée en butte aux préjugés de son milieu, après qu’une déception amoureuse lui ait rappelé son isolement. Elles offrent la rédemption à Seymour, jeune écoterroriste par défaut, poussé au crime par une enfance misérable et retirée, loin du fracas et de l’agitation d’un monde dont il se sent exclu. Elles sont enfin le salut de Konstance, embarquée dans une croisière sans escale vers une exoplanète, hypothétique paradis pour une espèce humaine menacée d’extinction.

La Cité des nuages et des oiseaux est donc un formidable roman sur le pouvoir des mots, l’art de raconter, sur l’extraordinaire faculté de la lecture à nous consoler avec le monde et à nous sortir de nos routines illusoires. Mais, c’est aussi un récit de transmission entre les générations, un roman de passeur d’histoires, finalement assez proche du Morwenna de Jo Walton. En cela, il se révèle précieux.

La Cité des nuages et des oiseaux (Cloud Cuckoo Land, 2021) – Anthony Doerr – Éditions Albin Michel, collection « Terres d’Amérique », septembre 2022 (roman traduit de l’anglais [États-Unis] par Marina Boraso)

Je suis le rêve des autres

Suite à un rêve puissant et entêtant, Malou est soupçonné d’être un Réliant, autrement dit un intercesseur entre le monde des esprits et celui des hommes. Pour confirmer leur intuition, les anciens de son village décident donc d’envoyer le jeune garçon au temple de Beniata, à la source du fleuve des fleuves, avec comme seul compagnon Foladj le vieux, un vétéran au passé obscur. À charge pour l’aîné de servir le cadet, en veillant sur sa sécurité et en pourvoyant à ses besoins. Chemin faisant, au cours de leur périple à travers le vaste continent de Pangée, le duo se frotte à l’imprévu des rencontres et aux multiples dangers du monde. L’occasion pour le jeune de s’ouvrir à l’autre et de faire l’apprentissage de la (sur)vie pendant que l’ancien nourrit le secret espoir d’une rédemption, point final à une longue et tumultueuse existence.

« Certains pensent qu’ils font un voyage, en fait, c’est le voyage qui vous fait et vous défait. »

La citation du grand voyageur Nicolas Bouvier constitue l’ouverture idéale pour parler du nouveau roman de Christian Chavassieux. De voyage, il est en effet beaucoup question dans Je suis le rêve des autres, un voyage dont les péripéties se répercutent sur le cheminement mental des voyageurs. Entre road novel et conte initiatique, le présent roman apparaît ainsi comme un éloge à la lenteur, à l’introspection et au temps long de l’Histoire. Entre Malo et Foladj, le maître et son serviteur, mais aussi l’apprenti et son mentor, se noue une véritable relation de confiance, où prévaut le respect mutuel et une certaine pudeur des sentiments. Chargé de l’intendance et de la conduite du périple, Foladj compte sur son expérience pour écarter les périls et les difficultés qui jalonnent la longue marche du duo vers sa destination finale. Les aléas ne manquent d’ailleurs pas, compliquant une progression déjà entachée par l’incertitude. Jadis, le continent a été en effet peuplé par une antique race que les hommes ont affronté avant de chercher avec elle un terrain d’entente. Ils sont désormais réduits à vivre dans les vestiges de sa grandeur passée, jaugeant les réalisations de l’ancien peuple avec envie, sans être capables de les égaler. Mais, c’est surtout la foi qui anime Foladj, une foi inébranlable qui le fait tirer de sa carcasse décatie ses ultimes ressources. La certitude de contribuer pour une part non négligeable à l’accomplissement du destin de Malou, rachetant ainsi ses fautes passées, n’est peut-être pas étrangère à ce fait.

Le voyage de Foladj et Malou est aussi l’occasion de rencontres permettant à l’enfant de s’épanouir, d’accroître sa connaissance de l’autre et sur l’histoire du monde où il est né. En dépit d’une attirance certaine pour les jeux enfantins, Malou fait montre d’une sagesse étonnante, que les rares rudoiements de Foladj cherchent plus à tempérer qu’à contraindre. Il tire de l’observation d’autrui des réflexions reflétant une maturité incroyable. En sa compagnie, chaperonné par Foladj, Christian Chavassieux nous invite à contempler le monde, à en prendre la juste mesure, sans verser dans l’angélisme ou la diabolisation. La beauté des paysages et le mystère qui en nimbe l’étendue se conjuguent à l’écriture de l’auteur, révélant des trésors de poésie et de subtilité.

Si le dénouement de Je suis les rêves des autres peut paraître abrupt, il n’en demeure pas moins teinté par la tragédie de la fragilité des rêves. Une évanescence qui peut aveugler, mais dont on ressort grandi.

Je suis les rêve des autres – Christian Chavassieux – Éditions Mu/Mnémos, mars 2022

Pour tout bagage

Dans un registre proche de son roman Une Plaie ouverte, celui des réminiscences et des illusions perdues, Patrick Pécherot dresse le portrait de la génération post-68 avec un nouveau livre dont le titre parlera sans doute aux connaisseurs de Léo Ferret.

1974. Sur fond de franquisme finissant, de Guerre froide et de développement des mouvements gauchistes dans le contexte des « années de plomb », une bande de lycéens, l’esprit truffé de slogans, de musique et d’émancipation à peu de frais, décide de joindre spontanément leur révolte à la lutte politique des GARI. Quatre garçons et une fille dans l’air du temps, les hormones en bataille et la conscience politique bourgeonnante, décidés à foutre la trouille à un mouchard, histoire de se prouver qu’ils sont capables de traduire leurs paroles en actes et qu’ils sont aptes à l’action directe. Après avoir récupéré un flingue, ils organisent un simulacre d’assassinat. Hélas, un quidam écope d’une balle perdue. Mauvais endroit pour une rencontre fatale et fin de l’épisode révolutionnaire. Quarante-cinq ans plus tard, l’un d’entre eux remonte la piste de sa mémoire, prenant à témoin la victime de leur foirade dans le huis-clos de sa caboche. Il a vieilli, perdu ses illusions. Désabusé, il cherche à savoir qui dans leur ancienne petite bande a décidé de publier un livre sur leur méfait, brassant la mauvaise conscience qui les a poussée à disparaître et rompre leurs liens d’amitié.

« Déambulation nostalgique entre passé et présent » nous dit la quatrième de couverture. Difficile de le nier mais Pour tout bagage est un peu plus que cette simple assertion. Le roman de Patrick Pécherot dresse en effet le portrait d’une jeunesse portée à l’incandescence par la possibilité de l’utopie. Sûre d’elle, décidée et persuadée d’aller dans le sens de l’Histoire, elle veut faire table rase du passé dans une insouciance et une inconséquence que d’aucuns déplorent a posteriori. Mais, qui n’est pas idéaliste à quinze ans ? Pour tout bagage s’attache également au devenir de cette jeunesse, quarante ans plus tard, partagée entre la fidélité à ses convictions, la culpabilité, les trahisons dictées par le cynique et une certaine mélancolie. Patrick Pécherot déroule les souvenirs, repêchant les photos au fond des tiroirs d’une mémoire forcément partiale et partielle. D’une plume empreinte d’émotion, il se fait le comptable des actes du passé, des révoltes sans lendemain, des promesses d’avenir radieux qui déchantent. Pour tout bagage apparaît ainsi comme le roman d’un échec, celui des révolutions sacrifiées sur l’autel du pragmatisme armé, poussées à la faute par leur ennemi de classe. L’utopie a failli, les idéaux ont été galvaudés. Et si le propos du roman ne tenait pas finalement tout entier dans cette interrogation : que sont nos indignations et nos révoltes devenues ? Ne comptez pas sur Patrick Pécherot pour asséner une réponse définitive. Jamais aigri et encore moins sentencieux, mais toujours avec une retenue et une pudeur sincère, il préfère laisser sa mémoire vagabonder, dressant un pont entre les révoltes d’hier et celles d’aujourd’hui. « All you need is love… Qu’est-ce qui avait foiré ? ». On se le demande encore.

Pour tout bagage ne nous laisse donc pas à quai. Il nous embarque, nous étreint et nous malmène pour nous relâcher exsangue, convaincu qu’il n’y a pas de mauvaises révoltes, juste de mauvaises raisons de les faire.

Aparté : Sur ce même sujet, on renverra les éventuels curieux vers Élise et les Nouveaux Partisans de Jacques Tardi et Dominique Grange.

Pour tout bagage – Patrick Pécherot – Éditions Gallimard, collection « La Noire », août 2022

Spirou – Journal d’un ingénu

Au sein du Spirouverse, cette vaste arborescence des possibles lorgnant du côté de l’entertainment US où évolue le personnage emblématique des éditions Dupuis, l’œuvre d’Émile Bravo occupe une place à part, lui faisant rejoindre illico le meilleur des aventures du hérault/héros de l’éditeur de Marcinelle.

Paru à l’origine en 2008 sous la forme d’un one-shot, Le journal d’un ingénu apparaît en effet comme un monument de fraîcheur, de sensibilité (pas de sensiblerie), de légèreté et de gravité. L’expérience s’est d’ailleurs révélée marquante au point de pousser le dessinateur à la prolonger en racontant les aventures de Spirou sous l’Occupation nazie en Belgique. L’occasion de rééditer le présent ouvrage, augmenté d’un court récit (« La loi du plus fort ») en guise de prélude.

Avec Le journal d’un ingénu, Émile Bravo choisit de renouer avec les origines de Spirou, mêlant Grande et petite Histoire, mais aussi réalisme et fiction. Exit le personnage de Rob-Vel, même si Spirou reste le groom du Moustic Hôtel de Bruxelles. À l’œuvre dans les couloirs du palace, sous la férule d’Entresol, son supérieur violent et tyrannique, le jeune orphelin tire le diable par la queue pour pouvoir survivre décemment. À peine sorti de l’adolescence, Spirou vit dans une juvénile naïveté lui faisant occulter les tensions et les malheurs du temps. Une géopolitique explosive, nous sommes en 1939, qui voit l’Europe et le monde s’apprêter à basculer dans une guerre voulue et soutenue par les totalitarismes de toute sorte. Bref, le groom du Moustic Hôtel ne veut pas voir les périls, même s’il rejaillissent à l’occasion d’une partie de foot avec les gamins des rues de son quartier, préférant entretenir la grande illusion d’un esprit boy-scout. De toute façon, que peut un simple chasseur face au militarisme et au fascisme qui gangrènent le continent européen jusque dans la petite Belgique où s’affrontent rexisme et communisme ? Et pourtant, Spirou se retrouve au cœur de l’Histoire, le Moustic Hôtel devenant le lieu d’une entrevue secrète entre plénipotentiaires allemands et polonais. Une réunion de la dernière chance en vue d’éviter la guerre. Rien de moins.

Le journal d’un ingénu est un petit miracle. Justesse du propos et sincérité des émotions se conjuguent pour impulser au récit une tournure éthique et une profondeur politique étonnante. À bien des égard, le scénario d’Émile Bravo s’apparente à un récit d’apprentissage où Spirou apprend énormément d’autrui et sur lui-même, se construisant une conscience politique et dévoilant sa véritable nature de futur globe-trotter, celle que révéleront par la suite Jijé et Franquin. Au fil des péripéties du scénario, on croise les personnages de Fantasio et de Spip, ses futurs compagnons d’aventures, découvrant les circonstances de l’accession de l’écureuil à une forme de conscience muette, tout en s’amusant des frasques fâcheuses du journaliste au Moustique Journal, sans cesse à la recherche du scoop croustillant en mesure de faire décoller sa carrière. On revisite cependant surtout l’histoire de la Belgique, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.

Sur ce point, Émile Bravo fait merveille, distille réalisme historique et fiction avec une aisance étourdissante. Il multiplie ainsi les clins d’œil à Hergé, via les personnages de Quick et Flupke, mais surtout de Tintin, auquel Spirou est comparé, bien malgré lui, à plusieurs reprises, non sans malice. Il n’omet rien de l’emprise conservatrice de l’Église catholique sur les publications pour la jeunesse et du climat politique délétère prévalant à cette époque outre-quiévrain.

Le Journal d’un ingénu apparaît donc comme la genèse indispensable du personnage de Spirou, conférant au groom du Moustic Hôtel une touche salutaire de maturité, sans pour autant renoncer à sa légèreté humoristique originelle. Un coup de cœur, assurément.

Autre avis ici.

Spirou – Journal d’un ingénu – Émile Bravo – Éditions Dupuis, octobre 2018

Le Seigneur des guêpes

Dépourvu d’existence légale, Frank vit sur une île retirée d’Écosse, du moins à marée haute, avec comme seul compagnon son père handicapé, ex-hippie un tantinet lunatique, et une vieille voisine chargée de ramener des provisions une fois par semaine. À ses yeux, le monde est une belle saloperie, un lieu hostile où errent des âmes tordues contre lesquelles il convient de se prémunir. Son frère Eric n’est-il pas revenu fou après avoir entamé des études à Glasgow ? Le bougre vient d’ailleurs de s’échapper de l’hôpital où il avait été interné après avoir terrorisé le village voisin. Les propriétaires de chiens ont intérêt à enfermer leurs cabots s’ils ne veulent pas qu’ils finissent brûlés sur la lande. Et les enfants du coin vont connaître à nouveau le goût des vers de terre frais. À moins que la police ne le rattrape.

Frank est pour ainsi dire le seigneur des lieux. Un seigneur ombrageux et secret. Les dunes sont les frontières inviolables de son domaine comme en attestent les Mâts des sacrifices sur lesquels il plante les têtes des rats, mouettes, libellules et autres souris qu’il chasse et tue sans vergogne. Il est aussi un assassin méthodique et rusé, comme il le confesse rapidement non sans fierté, scrutant sans cesse l’horizon avec ses jumelles, du haut du grenier de la demeure familiale où il a aménagé le sanctuaire au centre de son existence. Mi-shaman, mi-enfant sauvage, il tient à disposition un arsenal composé de bombes artisanales, concoctées par ses soins, qu’il apprécie d’utiliser contre les envahisseurs chimériques de son esprit. Bref, Frank est fou, lui aussi. Une folie latente, inquiétante, dont on ne sait s’il en ressortira indemne.

Lorsqu’il ne contribue pas à enrichir le cycle de la Culture, pour lequel le petit cercle de la SF l’adore, Iain (sans M.) Banks est l’auteur de romans grinçants et de thrillers lorgnant volontiers vers l’horreur ou le bizarre. The Wasp Factory relève de cette veine, projetant le lecteur dans la tête d’un narrateur salement malade. D’emblée, on est immergé dans la caboche de Frank, appréhendant le monde et l’environnement proche du bonhomme du point de vue de son esprit un tantinet détraqué. Il nous révèle en toute sincérité ses obsessions malsaines, les rituels criminels qui composent ses routines quotidiennes et confesse ses secrets, y compris les plus sordides. On se familiarise ainsi peu-à-peu avec son univers, côtoyant son père toxique, sa famille dysfonctionnelle et son seul ami, un nain quelque peu alcoolique.

On pourrait éprouver de l’empathie pour le personnage de Frank s’il n’avouait d’entrée de jeu ses marottes morbides et ne nous décrivait pas par le menu ses crimes successifs, se cherchant évidemment des excuses. D’aucuns pourraient même rendre son milieu responsable de ses déviances criminelles, faisant appel à la psychologie pour atténuer ses responsabilités. Mais, Frank semble pleinement conscient de ses actes. Il agit avec méthode, toisant l’absurdité du monde avec une ironie grinçante afin de le rendre immédiatement plus supportable. Et puis, n’oublions pas le twist final, inattendu, après un long crescendo placé sous le signe de la folie et de la tension. Magistral !

Pour toutes ces raisons, Le Seigneur des guêpes ne dépare donc pas dans l’œuvre de Iain Banks. Bien au contraire, il en souligne l’aspect éminemment caustique et indispensable.

Le Seigneur des guêpes (The Wasp Factory, 1983) – Iain Banks – Fleuve noir, collection « Thriller fantastique », janvier 2005 (roman traduit de l’anglais par Pierre Arnaud)