Dans un futur mortifère, où les apocalypses atomique, climatique et pandémique ont réduit la surface terrestre à une terre gâte, anéantissant au passage l’Europe et les autres continents, l’humanité a trouvé refuge autour de l’océan Pacifique dans des cités sous-marines apparemment pacifiées ou du moins soumises à l’autorité régulatrice des gangs criminels qui les gouvernent. Mais, toutes ces catastrophes ne lui ont pas appris la sagesse, bien au contraire une guerre froide implacable oppose Norpak et Epak, les deux superpuissances ennemies qui dominent chacune des rives de l’océan. Piégée à Bloom City, Danaë n’a pourtant pas perdu tout espoir. Elle n’a pas renoncé à restaurer la continuité avec son passé, rompue durant un épisode dont le souvenir la traumatise encore. Il lui suffit de reprendre pied sur la terre ferme, en déjouant la surveillance des maîtres des lieux, et de rallier Redhill, au cœur du néo-désert. Il lui suffit de renouer contact avec ses sœurs, en espérant ne pas subir leur réprobation. Un périple semé de chausse-trapes, avec la menace d’un conflit nanotechnologique en guise d’aiguillon, sans oublier une ribambelle d’enragés à ses trousses, prêts à toutes les violences pour l’attraper. Heureusement, elle peut compter sur Naoto, son amant, et Alexeï, mercenaire sans illusion, un tantinet suicidaire.
On l’avait cru définitivement enterré par l’individualisme forcené et le Moi absolu, remisé dans les enfers du totalitarisme. Et pourtant, Unity semble redonner de la couleur au rêve d’une conscience collective, intuitive et porteuse d’espoir, celui de la compréhension absolue, de la mutualisation des intelligences et de la fin des conflits. Quelque chose qui ne soit pas pour une fois un cauchemar posthumain, prélude au viol de l’identité et de l’intégrité physique. Bref, c’est un joli tour de force que nous propose Elly Bangs en nous livrant un récit au propos nuancé et au rythme soutenu.
Entre Waterworld et Mad Max, Unity est en effet une quête existentielle, survolant tous les aspects du récit post-apocalyptique, sans en épuiser complètement la matière. Sectes survivalistes, syndicat du crime aux pouvoirs régaliens, enfants soldats dépourvus d’allégeance, réfugiés ballottés entre le marteau climatique et l’enclume du chaos, nanobots autoréplicants et entités posthumaines formant littéralement Légion, tout ce beau monde peuple un territoire où le désastre fait le lien entre les uns et les autres. Un décor propice à tous les excès et toutes les spéculations catastrophistes, mais où pourtant il n’est pas interdit de renaître ou de laisser libre cours à la résilience.
Elly Bangs s’y entend en effet pour faire vivre des personnages tiraillés entre leur désir, leur instinct de survie et l’espoir d’une hypothétique rédemption, histoire d’effacer l’ardoise de leur passé. Oscillant entre road-trip et thriller, en passant par l’introspection, Unity donne ainsi à voir et à réfléchir, mariant l’esthétique post-apo à l’énergie cyberpunk.
Après l’apocalypse pop de Marguerite Imbert, Elly Bangs redonne donc un coup de fraîcheur au trope de la conscience collective. Comme le laisse entendre la quatrième de couverture, Danaë est à la fois unique et multiple, le tout étant plus grand que la somme des parties. Au collectif des lecteurs de donner sa chance à ce premier roman. Il le mérite.
Unity (Unity, 2021) – Elly Bangs – Éditions Albin Michel Imaginaire, septembre 2022 (roman traduit de l’anglais [États-Unis] par Gilles Goullet)

Une belle chronique, pour un titre post-ap’ que j’ai trouvé atypique – et donc beau, également… Merci !
On fait ce que l’on peut. Merci.
Je ne suis pas très post-apo mais je note.
La liste s’allonge.
Figure toi que j’en achète mais je n’ai vraiment pas le temps de les lire.
Le temps. C’est souvent ce qui manque (se dit-il en contemplant sa bibliothèque).
Bon, il y a aussi un peu l’artiche qui manque.