Le paradoxe de Fermi est résolu. Une immense confédération extraterrestre pacifique, le Blend, a contacté l’humanité, lui proposant un marché qu’elle n’a pas pu refuser. Contre quelques gadgets technologiques, de quoi améliorer l’ordinaire sur une Terre à la biosphère quelque peu dégradée, les humains peuvent se livrer à leur activité favorite : la guerre. Car l’utopie du Blend n’est enviable que si on l’accepte et l’intègre à sa façon d’être et de vivre. Elle ne suscite pas toujours l’adhésion et nécessite parfois la violence. Toute chose que l’humanité a éprouvé dans sa chair au cours de sa propre histoire et continue de pratiquer avec efficacité et sans scrupules.
Pourvus de la meilleure technologie du Blend, armés et équipés de pied en cap, des commandos humains sont ainsi déplacés vers les zones sensibles, opérant dans l’intérêt du meilleur des mondes possibles. Des opexx sur d’autres planètes pour explorer, s’interposer ou repousser les agressions. De la chair à canon qui ne comprend pas grand chose aux motivations des aliens et dont on efface la mémoire, histoire de lui épargner le stress post-traumatique du combattant, mais surtout une connaissance trop étendue de l’ailleurs. Il ne faudrait pas que les chiens de guerre échappent à leur maître et viennent pisser sur les plate-bandes de l’échiquier géopolitique cosmique. Bref, le boulot idéal pour le personnage principal, soldat professionnel atteint du syndrome de restorff, dont la narration guide notre découverte des opexx d’autant plus aisément que son trouble le rend imperméable aux déprogrammations.
Sous couvert de SF militariste et de space opera, Laurent Genefort nous propose un court récit introspectif où la quête d’altérité se substitue progressivement à la logique de l’affrontement et au repli identitaire. Ponctué par les visions fugitives de mondes extraterrestres, à la beauté incompréhensible et mortelle, Opexx nous immerge ainsi dans l’esprit d’un soldat lambda frustré par sa condition de simple porte-flingue. On observe son glissement progressif, impulsé par sa soif de connaissance et d’interaction, un processus qui finit par le rendre étranger à sa propre espèce, voire à lui-même, le poussant à se fondre dans un ailleurs qu’il juge plus désirable.
Mais, Opexx est aussi une réflexion sur ces opérations en terre étrangère et sur le droit d’ingérence qui les motive. Toute chose accomplie pour un plus grand bien, dit-on. Pour paraphraser le bon sens populaire, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Évidemment, c’est toujours mieux de le faire chez le voisin, histoire de garder son chez soi propre.
D’aucuns trouveront sans doute un goût de trop peu à ce récit, conséquence évidente de sa brièveté. L’essentiel est pourtant énoncé, bousculant les certitudes et nous interpellant sur notre capacité à épouser le regard de l’autre.
Opexx – Laurent Genefort – Éditions Le Bélial’, collection « Une Heure-Lumière », mai 2022
