Bien connu dans nos contrées des amateurs de Science Fiction depuis au moins la parution du « cycle des Inhibiteurs », Alastair Reynolds fait partie du paysage au même titre que Stephen Baxter. Réputé dans la hard SF et surtout le space opera, l’auteur gallois n’a pas l’habitude de négliger le lectorat lorsqu’il imagine le futur de l’humanité. La Millième nuit ne déroge pas à la règle puisque cette novella nous projette quelques millions d’année dans l’avenir. Une bagatelle à l’échelle de l’univers.
À cette époque, l’humanité a évolué vers la posthumanité, la technologie lui offrant de multiples possibilités pour s’adapter à une voie lactée devenue en quelque sorte son terrain de jeu. Mais un terrain dépourvu d’autres joueurs puisque seules quelques traces attestent de la présence passée de civilisations extraterrestres. Pour pallier au long ennui cosmique dans un univers où ils ne sont toujours pas parvenus à s’affranchir du mur de la vitesse de la lumière pour se déplacer, les posthumains ont donné naissance à une myriade de cultures et de civilisations humaines. Parmi celles-ci, on trouve la lignée Gentiane qui tient son nom d’Abigail Gentian, leur mère et matrice à tous. Mille clones quasi-immortels issus de la même souche génétique, mais dotés de personnalités fort différentes. Sillonnant les galaxies dans de gigantesques vaisseaux mondes adapté à leurs lubies, les Gentiane ont pris l’habitude de se retrouver tous les 200 000 ans pour partager l’expérience acquise pendant leurs pérégrinations. 999 nuits pour s’immerger dans les souvenirs de leurs alter-ego et une nuit supplémentaire pour élire un vainqueur, celui qui aura offert la narration la plus spectaculaire, celui qui organisera les prochaines retrouvailles. L’Eurovision n’a qu’à bien se tenir…
N’entretenons pas le suspense. Je dois avouer un enthousiasme modéré pour cette novella car, même si Alastair Reynolds n’est pas avare en matière de visions et de spéculations vertigineuses, le récit proposé ici manque terriblement de souffle et de surprise. A vrai dire, on a vraiment l’impression de lire une variation hyper-tech d’un récit de l’Âge d’or de la SF que n’aurait sans doute pas désavoué Isaac Asimov.
Certes, l’envolée des baleines à l’acmé des festivités organisées par les Gentiane sur un monde aménagé pour satisfaire leur appétit de grandiloquence, sous la pyrotechnie d’une pluie de météores, au moment où se dévoile l’identité des comploteurs qui agissent dans l’ombre de la lignée Gentiane, est un moment magique, empreint d’une poésie science-fictive à nulle autre pareille. Toutefois, on peut juger le procédé un tantinet frustrant au regard d’une intrigue plan-plan, sans véritable enjeu autre que celui de l’enquête et du dévoilement du Grand Œuvre astronomique promis en quatrième de couverture. Une révélation alourdie par les chichis de Campion et de Purslane, décidemment agaçants jusqu’au bout à force d’occuper tout l’espace.
Savoir que La Millième nuit constitue le galop d’essai du roman inédit House of Suns, considéré comme LE point d’orgue de l’œuvre de Alastair Reynolds a de quoi refroidir un peu l’attente de sa traduction. On demande à voir.
La Millième nuit (Thousandth Night, 2005) – Alastair Reynolds – Éditions Le Bélial’, collection « Une Heure-Lumière », août 2022 (novella traduite de l’anglais par Laurent Queyssi)

Puisque c’est un galop d’essai, attendons que le champion allonge sa foulée.
La future parution de Eversion va permettre de patienter.
Tout à fait en phase avec ta chronique. Ça promettait du vertige et on se retrouve avec une intrigue sans surprise et des personnages principaux à la psychologie bien terne eue égard à ce qu’ils sont censés avoir vécu.
Vraiment décevant.
J’ai commencé Eversion. On ne joue clairement pas dans la même catégorie. Alastair, tu aimes me surprendre.