
Monstrueuse Féerie et Angélus des ogres sont deux novellas de Laurent Pépin. Ces textes relèvent des registres de l’autofiction imaginaire, de la poésie et de la fantasmagorie. Ils témoignent de la volonté de l’auteur de rendre extraordinaire un récit teinté de prosaïsme où l’intime et l’ordinaire de l’existence se frottent au fantastique, voire plus précisément à une vision étrangère au consensus de la raison guidant notre société. Un troisième récit, annoncé sous le titre de Clapotille, devrait suivre, prolongeant le périple intérieur du narrateur, même si chaque novella peut se lire indépendamment.
Monstrueuse Féerie comme Angélus des ogres nous immergent dans l’esprit d’un psychologue clinicien, narrateur non fiable de sa propre histoire. Le bonhomme a fini, semble-t-il, par épouser la tournure d’esprit de ses patients dont les troubles font échos à ceux générés par sa propre enfance dysfonctionnelle. Quels faits relèvent exactement de son cheminement personnel ? Où s’achève le réel et où commence le fantasme ? Est-il définitivement fou ou pourvu d’une faculté surnaturelle à discerner la vérité sous les couches de mensonge tissées par les convenances sociales ? Peu importe, le récit de ce narrateur nous emporte au-delà de la raison, peuplant les angles morts de son esprit de monstres, elfes, ogres et autres créatures bienveillantes ou effrayantes, voire les deux à la fois.
Il dépeint ainsi ses difficultés à échanger avec autrui et à nouer une relation amoureuse stable, fondée sur la confiance et la sincérité, ne parvenant pas à lâcher prise, à laisser libre cours à la résilience. Pour se faire, Laurent Pépin emprunte à l’imaginaire des contes et des mythes, essayant de rendre tangible les hallucinations et les délires du narrateur, mais aussi toute l’angoisse et la détresse.
Récits intimes mais pas impudiques, Monstrueuse Féerie et Angélus des ogres sont traversés de fulgurances visuelles bouleversantes, dont la charge poétique vient remettre en question notre regard sur la folie. Ces deux novellas laissent également transparaître l’émotion, témoignant de l’empathie sincère de l’auteur pour ces patients, les fameux « Monuments » du narrateur, coquilles brisées à l’esprit parti vagabonder ailleurs, guidé par un paradigme différent qui échappe à notre compréhension et provoque malaise et inquiétude.
« Comment faire pour empêcher les Monstres de me hanter ? Comment faire pour ne pas être malheureux maintenant que tu ne penses plus à moi ?
En fait, je ne sais même pas si je suis fou ou si je suis juste stupide. De toute façon, c’est vrai, je suis stupide. Il y a toutes ces choses dans ma tête.
Des Monstres, des Elfes, des Monuments. Mais en vrai, il y a du vide, un vide effroyable qui détruit tout ce que j’aime… »
D’aucuns pourraient ces récits, où se mêlent le réel et la fantasmagorie, comme des histoires strictement fantastiques. Monstrueuse Féerie et Angélus des ogres me semblent plutôt relever d’une tentative d’exprimer de manière poétique l’indicible de la folie, d’en dévoiler toute l’ampleur angoissante par le recours à une langue inventive et imagée. Et, c’est une réussite.

Monstrueuse Féerie & Angélus des ogres – Laurent Pépin, Flatland Éditeur, octobre 2020-2021