L’héritage de Molly Southbourne est l’ultime opus d’une série ayant essaimé une paranoïa latente l’espace de trois épisodes aussi sanglants que dérangeants. On renverra les éventuels curieux aux notules de Les Meurtres de Molly Southbourne et de La Survie de Molly Southbourne, histoire de leur rafraîchir la mémoire. On leur conseillera également de lire cette série depuis le début. Pour les autres, plongeons-nous directement au cœur de l’action.
Déterminée à profiter de son libre-arbitre jusqu’au bout, Molly Southbourne a désormais une famille. Elle vit dans la campagne anglaise, en marge d’un petit village paisible, en compagnie de Molina, Moya et Mollyann, ses sœurs de sang. Bref, d’autres mollies, pas trop amochées, avec lesquelles elle a noué une relation de confiance, voire une forme de complicité. Ce fait a toutes les apparences de la gageure, tant reste puissant l’atavisme biologique meurtrier animant les créatures issues de la souche mère. Évidemment, elle a bien retenu aussi l’adage : pour vivre heureux, vivons caché. Elle a bien raison de procéder ainsi d’ailleurs car le passé n’est pas complètement mort, même si les heures les plus sombres de la Guerre froide semblent désormais révolues. Les derniers combattants du conflit secret et caché ayant présidé à sa naissance affûtent en effet leurs armes, préparant un baroud d’honneur mêlant calcul politique et vengeance. Une ultime bataille que Molly n’a pas l’intention de perdre.
Sur ce blog, on avait beaucoup aimé le premier volet des aventures de Molly, mélange habile de body horror et de techno-thiller. On avait apprécié aussi sa suite, tout en pointant le changement d’ambiance et de direction impulsé par l’auteur. Avec L’héritage de Molly Southbourne, rien de neuf sous le soleil. Tade Thompson continue à dérouler le fil d’un récit, élucidant jusqu’au moindre angle mort de l’histoire de Molly. Mais, il le fait d’une manière ne ménageant guère le suspense et surtout un climax que l’on aurait apprécié plus tragique, ou du moins plus ambigu. À la place, on doit donc se contenter d’un récit éclaté, où l’on cherche un peu désespérément quelque chose à quoi se raccrocher. Pas facile, tant les différents personnages paraissent interchangeables, limités dans leur progression personnelle et dans leurs choix.
Si L’héritage de Molly Southbourne apporte une conclusion somme toute définitive aux aventures de Molly, on ne peut toutefois s’empêcher de regretter l’atmosphère lourde et malsaine du premier opus. Un vrai souffle de nouveauté, à l’époque, qui a fini par s’éventer, à force de ressassements et de rebondissements. Il était temps que cela s’achève.
L’héritage de Molly Southbourne (The Legacy of Molly Southbourne, 2022) – Tade Thompson – Le Bélial’, collection « Une Heure-Lumière », novembre 2022 (novella traduite de l’anglais par Jean-Daniel Brèque)
