Après nous les oiseaux

Sur un mode intime, Après nous les oiseaux est un court récit de fin du monde, relaté par une narratrice dépourvue de prénom dont on suit le long chemin vers le néant, avec comme seul contrepoint le chant des oiseaux, créatures omniprésentes et insensibles au drame qui se dénoue. Définitivement.

Récit de la solitude, avec la mort comme unique compagnon et les souvenirs du temps passé comme seul viatique, le roman de Rakel Haslund s’apparente davantage à une épure qu’à une histoire pleine de bruit et de fureur. Les amateurs de Mad Max et consorts auraient tout à gagner en fuyant ce récit poétique et contemplatif. L’apocalypse se cantonne en effet à un décor. Des terres submergées par la mer montante, des centres commerciaux pillés et désertés par le chaland, des quartiers pavillonnaires abandonnés où les maisons retournent à l’état de nature et des vestiges brûlés d’un grand incendie que l’on devine violent, on arpente des terres gâtes mais non dépourvue de vie. La fin du monde hante l’esprit de la narratrice, en arrière-plan de son périple sans véritable autre but que celui d’avancer, cahin-caha, avec son caddie. Une vie réduite au spectacle du vol des oiseaux et à quelques poissons. Des nuées entières à qui la narratrice adresse ses prières et ses suppliques, s’émerveillant de la résilience des volatiles.

D’aucuns compareront Après nous les oiseaux à La Route de Cormac McCarthy, s’enthousiasmant pour la puissance d’évocation de la prose de l’autrice. D’autres déploreront un horizon d’attente réduit à une longue contemplation de la nature conquérante, à l’assaut des derniers vestiges de la civilisation, déterminée à les avaler sous son exubérance. Choisissez votre camp, camarades.

Il n’en demeure pas moins que Rakel Haslund décline une poésie de l’entropie qui peut apparaître séduisante à l’amateur d’introspection psychologique. Et puis, le texte est court, l’ouvrage de toute beauté, même si un peu onéreux, et le propos frappé au coin du bon sens. La fin d’un monde n’est pas la fin du monde. À réserver à l’amateur de littérature « blanche » qui souhaite s’encanailler.

Après nous les oiseaux (Alle himlens fugle, 2020) – Rakel Haslund – éditions Robert Laffont, collection « Ailleurs & Demain », avril 2023 (roman traduit du danois par Catherine Renaud)

2 réflexions au sujet de « Après nous les oiseaux »

  1. La Cité des nuages et des oiseaux, L’infinie patience des oiseaux, Hier, les oiseaux, La Magnificence des oiseaux, Après nous les oiseaux, … on s’y perd avec tous ces volatiles. 

    dans la veine post-apo où les oiseaux ont une grave im-portance dans l’intrigue, Sanctuaire de Laurine Roux est fort recommandable. « À réserver à l’amateur de littérature « blanche » qui souhaite s’encanailler. » comme tu dis, sans dédain, au contraire.

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