Le Chien d’Ulysse

On ne remerciera jamais assez François Guérif et les éditions Rivages pour leur fidélité à Jim Nisbet. Sans leur ténacité, il ne fait guère de doute que nous n’aurions pu suivre aussi longtemps l’auteur américain, pour notre plus grand regret.

À l’instar de James Sallis, voire de William Kotzwinkle, Nisbet écrit du polar pour mieux s’affranchir de ses limites et codes. Le Chien d’Ulysse ne déroge pas puisqu’on y retrouve le privé Martin Windrow, celui du roman Les Damnés ne meurent jamais, dans une enquête pour le moins originale, du moins dans son déroulement, où le rythme importe finalement moins que les digressions et l’atmosphère livresque.

Amoureux de la chanteuse de Country Rock Jodie O’Ryan, le bougre fait les frais de l’irruption déplaisante d’une furie hommasse qui ravit la belle à ses attentions moites, pour l’emmener presto-illico auprès de son défunt grand-père. Disparue de la circulation alors qu’elle a hérité d’une fortune, l’artiste a juste le temps de lui adresser un appel à l’aide téléphonique avant que l’appareil ne soit brusquement raccroché. Intrigué pour ne pas dire alarmé, Windrow se met en chasse, interrogeant les membres de la famille du vieux foreur. Une enquête très vite jalonnée de morts violentes et suspectes. Agent artistique véreux, beau-père louche et concupiscent, belle-mère droguée à mort, les proches du milliardaire défunt tombent comme des mouches, trépassant dans des circonstances ne manquant pas d’attirer l’attention de la police, ex-collègues de Windrow. De quoi lui causer souci d’autant plus qu’il devient lui-même la cible d’une tentative de meurtre rocambolesque. Bref, pas de quoi décourager l’enquêteur qui, en vrai dur-à-cuire, s’acharne à traquer la vérité afin de retrouver l’élue de son cœur.

Le Chien d’Ulysse n’usurpe donc pas sa réputation de roman bigger than life. Entre digressions littéraires (Verlaine dans la bouche d’une prostituée, ça calme), course-poursuite automobile haletante, interrogatoires fracassants et humour grinçant, on flirte avec le grotesque sans jamais verser dans le ridicule. Porté par une prose savoureuse, foutrement évocatrice par ses fulgurances visuelles, en témoigne le magistral et surréaliste chapitre d’ouverture, on prend le temps d’apprécier une galerie de personnages inoubliables, tout en s’amusant des péripéties de l’enquête et de l’ironie irrésistible du récit.

Bref, m’est avis que l’on ne va pas tarder à revenir chez Jim Nisbet, déjà en traquant la précédente enquête de Martin Windrow.

Le Chien d’Ulysse (The Spider’s Cage, 1992) – Jim Nisbet – Editions Rivages, collection Rivages/Noir, 1999 (roman traduit de l’anglais [Etats-Unis] par Freddy Michalski)

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