Archeur

Archeur2Dans un futur incertain et absurde,  Archeur et Lardinn se réveillent pour une nouvelle journée de labeur. Ces deux larrons, pas vraiment à la foire, accomplissent une mission ingrate et pourtant nécessaire. Ils comptent, recensent et dénombrent les morts, attestant ainsi de la bonne marche de la guerre. A la pointe de la modernité, Lardinn a opté pour un véhicule solaire afin de se déplacer. Mais Archeur n’a pas renoncé à Long Run, un volatile à l’apparence d’autruche. Le plumage noir, la bestiole est une machine increvable dont la vitesse de pointe culmine à 300 km/h. Elle ne mange rien, ne boit rien et ne dort jamais. Archeur s’est entiché de l’animal, au point de continuer à s’abriter sous une tente pendant les tempêtes de sable, à défaut d’un habitacle où se retrancher.

Chaque jour, Archeur se dirige vers la fosse immense qui défigure le paysage. Il y fouille le sol en quête de cadavres à contrôler. En dépit de son infertilité foncière, le sol n’est pas avare. Il abonde en chair à canon trépassée. Les milliers de victimes des guerres incessantes que se livrent l’Asie, l’Europe et l’Amérique. Des armées entières de clones jetés sur le champ de bataille, histoire d’épargner la vie des humains authentiques, eux-mêmes voués à une oisiveté mortifère. Des copies élevées en batterie à partir de cellules vendues par les plus pauvres, convaincus par le slogan cynique Donnez ! Nous vous entretiendrons dans votre crasse.

Mais d’où vient alors cet étrange sentiment qui étreint Archeur lorsqu’il retrouve un clone ayant survécu au massacre, un clone affirmant qu’il n’est pas une copie ? D’où vient ce questionnement métaphysique qui le fait s’interroger sur sa propre nature et sur celle de l’ensemble de l’humanité ?

Après Number nine, Thierry Di Rollo nous propose un nouveau récit de science-fiction lorgnant vers la dystopie. Il serait toutefois très réducteur de se cantonner strictement à cet aspect du roman. Car, au-delà de la vision noire d’un futur désenchanté, dépourvu d’humanisme, voire complètement absurde (mais la vie n’est-elle pas absurde par essence ?),  l’auteur français s’interroge sur l’incapacité de l’homme à se remettre en question et sur cette faculté désespérante le faisant accepter l’innommable et l’injustice comme des faits naturels et intangibles.

Archeur ne se résout pas à subir cette situation. Il doute et, loin de considérer son présent comme le meilleur des mondes possibles, développe une ironie mordante à l’encontre de ses contemporains. S’il ne nourrit guère d’illusion sur la faculté de l’homme à s’amender, il garde malgré tout un soupçon d’empathie qui lui permet de supporter sa condition. Mais surtout, il reporte toute son affection sur Long Run, établissant avec la machine un lien semblable à celui existant entre le narrateur de Number nine et son chien mutant.

Hélas, loin de trouver l’apaisement dans la réponse à ses questions, son long parcours des fosses communes de l’Afrique aux mines de Mars se révèle un jeu de dupes, voire un cauchemar sans fin, dont il ne sort pas indemne. Le lecteur non plus.

archeur 1Archeur de Thierry Di Rollo – Réédition Le Bélial’, 2012

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