Outrage et rébellion

pulp-o-mizer_cover_imageLunes d’encre toujours, avec un défi sur la forme pour cette huitième lecture. De quoi susciter la nostalgie pour une époque révolue. Et on rigole, et on s’amuse.

J’ai commencé à lire du Catherine Dufour tardivement. Ouais ! C’était à l’époque où on la surnommait encore le Terry Pratchett français. Vous imaginez un peu le truc, hein ? Un mec. On la comparait à un mec. La honte ! Rien que d’y penser, j’ai les glandes qui se mettent en rideau.

Elle avait écrit une série, style parodie du Seigneur des Anneaux. Respect ! Total respect Le seigneur des Anneaux, hein ? J’suis fan, quoi ? Bon, je n’ai jamais lu ses bouquins, à elle. Ouais ! J’en ai beaucoup entendu parler, par contre. Des trucs, genre : « Rhalala, trop drôle Dufour ! ». Ou genre : « c’est hachement plus profond qu’on le dit ». Le propos, hein ! Pas l’auteur. Moi, je ne l’ai pas lu. Alors, je me fie à l’avis des autres. Pour ce qu’il vaut. Tous des cons… Le quand dit raton. Le buse. Tout ce bruit blanc, hein ! Ça faisait un raffut du diable, à l’époque.

Elle mobilisait de la bande passante la Dufour. Ouais ! On la lisait partout, on la voyait partout. Une vraie icône. Y’avait plus qu’à la cliquer pour la faire apparaître. Faut dire qu’elle savait y faire, hein ? Elle avait un double virtuel pseudonymé Katioucha. Ouais ! Avec, elle écumait les sites Web, style Actu esfeff, vous savez, le genre de communauté de geeks. Des types poilus partout, blancs comme des endives et qui ne se lavent pas les dessous de bras. Trop la honte ! Ou alors, l’autre site là, celui qui s’appelait le Caviar Cosmique. Des élitistes qui ne se mouchaient pas avec le dos de la petite cuillère. Carrément dégueu, hein ? C’est vrai, quoi ! C’est intime une petite cuillère. Un peu comme une brosse à dents, hein ?

A force de lire son nom partout, de voir sa trombine de fouine à droite et à gauche (c’était un clippeur du nom de Daylon qui lui tirait le portrait), ben j’ai fini par la lire. J’suis influençable, hein ? C’est con. Ouais, je sais. L’accroissement mathématique du plaisir que ça s’appelait. Pas facile à retenir, hein ? C’était un recueil de nouvelles. Des chinoiseries avec ou sans chichis, des trucs même pas écrits en français courant, avec des titres à coucher dehors, genre Vergiss mein nicht. A tes souhaits la vieille ! Ouais ! Eh bien, j’ai aimé. Vrai de vrai, hein ?

A l’époque, je vivotais au crochet du fandom. Un truc de dingues, un vrai panier de crabes ; des vieux, des jeunes, des toutes les couleurs, gonzesses et mecs. Des dingues, je te dis ! Des tordus qui vous embrassaient aussi vite qu’ils pouvaient vous exploser leur acné à la gueule. Des viandards qui passaient leur temps à enculer les mouches ou en s’envoyer des vannes, style : « tu l’as vu, hein, mon cul ? »

Bref, je dois l’avouer, j’ai couché, ce qui m’a permis de récupérer le nouveau bouquin de la Dufour avant les autres, les toqués du Web. Ouais. Outrage et rébellion que ça s’appelait. Lorsque j’ai eu l’objet en main, je ne te dis pas la stupeur ! Je crois que j’en ai eu des tremblements. Le manque, déjà. Bon, après je l’ai ouvert, le bouquin.

D’abord, ça m’a globalement saoulé. Pour résumer, c’est l’histoire d’une bande de jeunes qui s’envoient en l’air. Ouais. Ils carburent à la musique et à l’énergie, et s’enfilent par tous les trous et les veines des trucs pas très recommandables, hein ? Ça suce, ça baise, ça picole, ça gerbe, ça pine, ça pue, ça se mutile, ça brûle sa vie par les deux bouts et ça joue de la musique très fort. Des jeunes, quoi !

Parmi eux, il y en un, marquis, qui devient une légende. Pas un guitare zéro ! Non, une icône ! Lui aussi, mais dans le genre rock’n’trash, hein ? Un vrai taré, style les geeks de Actu esfeff. Le mec, il chante comme une casserole, hein ! Mais, ça n’a pas d’importance, ils veulent tous coucher avec, les filles et les mecs. Marquis, il ne cause pas dans le bouquin. Ce sont les autres qui causent pour lui, hein ! Et ils causent, genre jeune quoi ! Et ça défile comme ça pendant plus de trois cent pages. Un vrai casting ! Ouais. C’est ça qui saoule.

Pour oublier leurs malheurs et pour exprimer leur révolte, ces jeunes, ils exultent au souvenir de marquis. Parce que la vie n’est pas gaie dans le futur à l’autre, la Dufour. On ne rigole pas du cul tous les jours, hein ? Genre réchauffement climatique et pollution à tous les niveaux, rouges de préférence. Ouais ! Et puis, il y a des gens, genre privilégiés qui crèchent en haut de tours, d’autres qui cuvent dans des banlieues souterraines et des zombis des caves qui végètent juste à la lisière du sol, là où c’est le plus dur. Ouais ! Et que ça pue le chien mouillé mort depuis cinq jours, là-dedans.

C’est là qu’elle est forte la Dufour, hein ? Mine de rien, elle nous le fait passer en loucedé son futur. Ça imprègne la caboche, ça colle à la rétine comme un mollard et puis ça prend aux tripes. Pas pessimiste, ni optimiste, juste lucide. Elle a tout compris la Dufour. Ouais ! Et puis, elle sait river son clou avec des formules choc, des trucs genre : « quand ça sera mon tour, je sortirai en courant de ce monde où le réel n’est que boue de forage du rêve. » J’ai rien compris, mais ça me troue le cul quand même. Ouais !

Du coup, je crois que je vais replonger avec son autre bouquin qui cause du futur, là. Le goût de l’immortalité que ça s’appelle. Ouais. A ski paraît, on a même besoin d’un dico pour le déchiffrer, hein ?

Elle m’a bien eu la Dufour, en fin de compte. Ouais ! Je suis encore tout imprégné par son bouquin. Et j’vous jure, c’est pas sale. Bon, maintenant, please, kill me !

outrage-et-rebellionOutrage et Rébellion de Catherine Dufour – Éditions Denoël, collection « Lunes d’encre », 2009 (réédition en Folio/SF, 2012)

2 réflexions au sujet de « Outrage et rébellion »

  1. Le goût de l’immortalité est très beau et très triste, ouais. J’ai bien peur que même en votant Mélenchonator 2.0, on ait droit à un futur dans ce goût-là (avec très peu d’immortalité dedans). Bref, j’ai tellement kiffé que je n’ose pas lire les autres.

    • Certes, on ne peut pas reprocher à Catherine Dufour une certaine élégance dans sa lucidité. Essaie tout de même son recueil paru au Bélial’ et réédité en poche. Il recèle quelques nouvelles merveilleuses.

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