Architectes du Vertige

Les connaisseurs des littératures de l’Imaginaire savent ce qu’elles doivent au prix fondé par Jean-Pierre Fontana. Née de la passion pour le cinéma et la littérature fantastique et de SF au mitan des années 1970 sous le nom de Grand Prix de la science-fiction française avant qu’elle ne soit rebaptisée Grand Prix de l’Imaginaire, la récompense a évolué au fil des générations sans que ne se tarissent le souci d’exigence présidant à sa création. Et, lorsqu’on regarde le palmarès, on se dit que le résultat a été finalement à la hauteur de l’ambition.

Préfacé par Joëlle Wintrebert, l’actuelle présidente du jury et postfacé par son créateur Jean-Pierre Fontana, l’ouvrage bénéficie d’une illustration de couverture de Caza. Chaque texte est accompagné d’une courte présentation rappelant que dans la décennie où il a été récompensé, d’autres lauréats méritent aussi toute notre attention.

En cinquante années, de nombreuses œuvres ont été en effet primées, révélant en creux les évolutions sociales et sociétales dont elles témoignent d’une certaine façon. Le prix s’est internationalisé, il s’est féminisé et s’est ouvert à d’autres médias, mutations dont le présent ouvrage tente de dresser le panorama. Le choix des textes inscrits au sommaire de Architectes du Vertige a sans nul doute dû être un déchirement, tant la sélection du GPI est riche de talent. D’aucuns s’agaceront de tel oubli ou telle préférence du jury. Il n’en demeure pas moins que l’excellence prévaut, dressant un portrait tout en nuance, où l’engagement, la poésie, l’émotion et l’imagination ne pointent pas aux abonnés absents. Un condensé varié de cette littérature née des œuvres conjointes de la modernité, de la science et de l’humain.

Qu’on me permette juste d’afficher en guise de conclusion, mes préférences sur cette sélection. Qu’on me laisse dire que « Accident d’amour » de Wildy Petoud est une nouvelle dont la cruelle actualité se rappelle hélas à nous chaque jour. Qu’on me pardonne de ne pas m’étendre davantage sur « Les Yeux d’Elsa » de Sylvie Lainé, histoire d’amour et de trahison au déroulé implacable, voire sur « Océanique » de Greg Egan où la foi n’est que le résultat d’une illusion mortifère suscitée par la chimie du cerveau. Il y aurait beaucoup à dire sur les autres textes, sur « Déchiffrer la trame » de Jean-Claude Dunyach, sur « Le remède » de Lisa Tuttle, deux textes où musicalité des mots et émotion nous imprègnent longtemps. Et sans doute aussi sur « Meucs » de Terry Bisson, réquisitoire implacable contre la peine de mort, ersatz délétère d’une vengeance absurde. Ne reste plus qu’aux curieux à découvrir ou redécouvrir ces chefs-d’œuvre de l’Imaginaire.

Architectes du Vertige – 1974-2024, Cinquante ans de Grand Prix de l’Imaginaire – ouvrage proposé par le jury du Grand Prix de l’Imaginaire et dirigé par Olivier Girard et Laëtitia Rondeau – Le Bélial’, avril 2024 (Anthologie – collectif, avec des traductions de Gilles Goullet, Francis Lustman, Mélanie Fazi, Sara Doke et Pierre-Paul Durastanti)

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